Comment sont gérées les forêts bretonnes et quel est votre rôle ainsi que celui de l’ONF ?
En France, pour les forêts publiques et privées, il y a un code forestier qui détermine la façon dont on gère les forêts et notamment leur aménagement, les actions et les travaux à réaliser pour cela. La volonté de l’ONF est de s’inscrire sur du long terme, avec une vérification effectuée tous les 20 ans du renouvellement de ce plan d’aménagement en fonction de la surface de la forêt. On détermine les endroits où on fera des coupes d’arbres en fonction des essences. Nous devons respecter un code de développement durable intégré au code forestier. En tant que responsable des services forestiers, mon rôle est d’assurer la mise en oeuvre de ces aménagements forestiers et de synthétiser les actions entrant dans les travaux forestiers. Cela concerne notamment les améliorations pour renouveler la forêt, pour qu’il y ait davantage d’éclaircies par exemple, ainsi que les aménagements des routes forestières, les coupes de bois morts ou trop vieillissants et le renouvellement des plantages. Je travaille par ailleurs sur les aspects budgétaires de ces actions.
Y a-t-il des dangers qui pèsent sur les forêts bretonnes ?
Nous avons rencontré certains problèmes de dépérissements, où des larves d’un insecte attaquent une essece de l’espèce d’arbre épicéa sitka qui meurent. L’insecte ravageur est le dendroctone qui attaque les peuplements d’arbres généralement sains et il y a très rapidement de fortes mortalités. On ne peut pas prévoir le fait qu’un peuplement dépérit et que beaucoup d’arbres meurent, et on se retrouve donc obligés de couper ces arbres. Dans les forêts de Loudéac, de Montauban et de Poncalec par exemple, de grandes surfaces de plusieurs dizaines d’hectares ont été coupées car elles mourraient petit à petit. Pour éviter cela, les forêts françaises sont gérées de manière à produire du bois. Après le début d’une attaque, où l’on coupe le bois restant, il peut être utilisé dans des projets de constructions ou pour le chauffage, et donc être revaloriser. Cela évite également d’importer du bois de l’étranger, où des forêts sont menacées de déforestation.
Quelles protections sont mises en place pour faire face à cet insecte ?
D’abord, il n’y a aucun traitement chimique. La seule possibilité d’essayer de réduire son impact est d’introduire un insecte déjà présent en France. Ce prédateur du dendroctone est le rhizophagus grandis, qui mange les larves des dendroctones. Un laboratoire belge nous a aidé à les produire et les élever. Les dendroctones sont présents dans d’autres régions, ils viennent progressivement de l’Est vers l’Ouest. Leur prédateur les suit mais moins rapidement que ce qu’on aimerait, on a fait en sorte qu’il aille plus vite pour les éradiquer et en atténuer ses ravages.
Quelles autres menaces pèsent sur la biodiversité ?
Les épicéas sitkas ne viennent pas de France et ne sont pas considérés comme une espèce patrimoniale. D’un point de vue paysager on peut considérer comme gênant le fait qu’ils dépérissent. Mais d’un point de vue naturaliste, son introduction en France peut être remise en question quant au déséquilibre qu’ils peuvent créer pour les écosystèmes.
Nous prenons également en compte les sites Natura 2000 : lorsque nos forêts s’y trouvent, on en tient compte dans notre gestion. Si nous avons connaissance d’espèces menacées, nous mettons en place des mesures pour ne pas leur porter atteinte.
Quels sont les risques liés à l’exploitation forestière ?
L’exploitation forestière est nécessaire puisque les Bretons utilisent du bois pour permettre de se chauffer et de construire des maisons. Si l’on veut avoir une gestion durable de la forêt bretonne, il faut utiliser des ressources locales, durables et renouvelables. Notre plan de gestion doit mettre en valeur les aspects durables de nos aménagements et de nos reboisements, qui ont des avantages au niveau la durabilité.
Les risques se situent dans les dégâts que l’homme peut infliger à la forêt, alors que notre rôle est de réduire justement les impacts sur la biodiversité les paysages, l’eau et les sols.
On doit faire attention à ne pas polluer les nappes phréatiques, à être délicat dans notre utilisation des gros engins dans les zones humides, car c’est important pour la santé des racines de ne pas tasser le sol. Il y a également une forte demande de la population afin de ne pas modifier les Paysages.
Lorsque l »ONF réalise une exploitation forestière, un contrat avec des obligations et des règles à respecter est mis en place. S’il n’est pas respecté, il y a des obligations de remises en état et des amendes.
Quels sont les chiffres concernant l’évolution de la surface des forêts, en France et en Bretagne ?
10% de la surface des forêts sont des forêts publiques et 90% sont des forêts privées. Globalement la surface des forêts bretonnes augmente et gagne sur les terrains agricoles tout en suivant la moyenne française.
Quelle place ont les citoyens dans la prise de conscience de l’importance de nos ressources forestières ?
Ils sont peu impliqués à part quand ils sont propriétaires. Dans ce cas ils y trouvent un intérêt personnel. Les personnes du milieu associatif, elles, travaillent pour l’intérêt général donc chaque acteur porte un regard différent sur nos ressources forestières.
Cependant le regard des citoyens est faussé car ils se basent sur l’image qu’ils ont de la surexploitation des arbres dans les forêts tropicales selon moi. Celle-ci n’est pas comparable avec l’exploitation de notre région.
De quelle manière êtes-vous engagés dans une logique de Développement Durable dans la gestion des forêts bretonnes ?
L’ONF est engagée de part son rôle dans la réalisation des plans durables. Au bout de la filière bois, les forêts des collectivités sont certifiées par le label PEFC (Pan European Forest Certification). C’est une certification qui vient du code forestier en garantissant une authenticité dans la revente de bois et la garantie d’une traçabilité. Le citoyen peut acheter du bois avec cette garantie de gestion durable. Sans cela, il n’y en a aucune façon de savoir si une forêt est massacrée dans l’autre bout de monde.
L’ONF met en place des contrats d’approvisionnement, dont l’objectif est d’éviter que tous les bois partent en Chine et n’alimentent pas les filières françaises. On contractualise directement avec les utilisateurs des scieries françaises dans le respect des règles du marché de manière à assurer un approvisionnement français. Avec l’augmentation des prix il y a des tensions qui se font sur le matériau bois. Il y a des jeux d’acteurs entre les négociants, car lorsqu’on vend du bois à un exploitant forestier, on ne sait pas où il va et on ne maîtrise pas du tout où va la ressource. L’état nous a donc demandé de prendre des mesures face à cette gestion du bois.
A voir / écouter également :
Article du média « Reporterre » et Pétition pour une gestion durable des forêts françaises : SOS FORÊT FRANCE
Une interview sonore de Louis-Marie Guillon, ingénieur agronome au Parc Naturel Régional d’Armorique, à propos de la charte forestière du Parc Régional d’Armorique
Une interview sonore de Marc Pasqualini, responsable régional sylviculture à l’ONF, sur l’importance de développer la culture de l’épicéa Sitka en peuplement mélangé
« Les Monts d’Arrées, dernier refuge de l’épicéa Sitka face au réchauffement climatique », interview sonore d’Hervé Le Bouler, directeur du Conservatoire National de la Biodiversité Forestière
Ces interviews sonores ont été réalisées dans le cadre du dossier « Peut-on reboiser durablement le Centre-Bretagne? », publié dans le numéro 5 du magazine Bretagne Durable.