Les renouées asiatiques, implantées depuis 70 ans dans le bassin, sont les premières espèces végétales invasives. D’abord plantées pour des questions ornementales, elles se sont disséminées par la suite, envahissant cours d’eau, bords de routes et cultures. Depuis une dizaine d’années la situation devient problématique, notamment pour l’activité humaine. Les agriculteurs ont lancé l’alerte suite aux ravages causés par ces plantes sur les récoltes.
Le syndicat du SAGE Couesnon, avec la collaboration des communautés de communes et des syndicats des rivières, a entrepris en juin un inventaire exhaustif des plantes invasives dans le bassin. Objectif : faire le point précisément sur la situation pour prendre les mesures nécessaires. La démarche a été collective. Les communautés de communes se sont occupées de la partie terrestre, que le syndicat du SAGE a complétée et les syndicats des rivières se sont occupés de l’inventaire des cours d’eau. La population a aussi été appelée à contribution. Une lettre d’informations sur les plantes du bassin a été publiée et un atlas a été mis à disposition dans les mairies pour répertorier les foyers de plantes invasives. Malgré ces efforts, la participation a été plutôt faible, avec seulement quelques dizaines d’appels des citoyens au syndicat.
Un travail de longue haleine qui s’annonce
Les renouées sont présentes tant sur les bords de routes que sur les cours d’eau. La balsamine de l’Himalaya, quant à elle, est très présente sur les cours d’eau. Des foyers de Berce du Caucase et d’Elodées du Canada sont aussi présents sur le territoire. Au total, neuf espèces ont été repérées jusqu’ici, l’inventaire n’étant pas terminé.
Suite aux résultats, un plan d’action sera établi pour endiguer la situation. L’entretien des bords de route relève de la compétence des communautés de communes. Les syndicats des rivières s’occuperont des cours d’eau, sous la direction du syndicat du SAGE. La tâche ne se présente pas des plus simples. « L’arrachage s’avère très difficile, notamment pour les renouées asiatiques dont l’enracinement est profond », explique Sylvie Leroy, coordinatrice du Syndicat. C’est pourquoi des expérimentations sont en cours pour éradiquer les renouées et les balsamines. Par exemple, un bâchage a été installé sur des parcelles, accompagné de plantations de saules, pour empêcher la repousse. A défaut de pouvoir arracher les envahisseuses, un fauchage successif a été réalisé toutes les deux semaines de juin à août. Cependant, même après éradication totale des plantes, un suivi de l’évolution pendant plusieurs années serait nécessaire, du fait des stocks de graines présents sur le territoire. « Pour que la situation change, il est impératif de se concentrer sur un travail de prévention, reprend la coordinatrice. La plupart des espèces implantées sont ornementales. Elles se sont disséminées par la négligence des populations. »
Un phénomène naturel, amplifié par l’activité humaine
Une espèce est dite invasive, selon l’observatoire de la biodiversité et du patrimoine naturel en Bretagne, si elle réunit trois conditions. L’espèce doit être introduite sur un territoire qui se situe hors de son aire de répartition naturelle ; elle doit se multiplier sur ce territoire sans intervention de l’homme en formant une population pérenne et doit constituer un agent de perturbation pour les activités humaines ou être nuisible à la biodiversité. L’espèce invasive est donc introduite, envahissante et perturbatrice.
L’invasion d’un territoire nouveau par ces espèces, dite invasion biologique, est en premier lieu un phénomène naturel. Toute espèce, en compétition face aux autres dans la lutte pour sa survie, tend à accroître son territoire. L’espèce, implantée sur un nouveau territoire constitue une nouvelle population. L’absence de prédateurs et de pathogènes (maladies) sur cette nouvelle population, lui procure un avantage considérable dans la compétition naturelle biologique. Son développement nuit alors au développement d’autres espèces et devient un phénomène dit invasif. C’est bien ce qui s’est produit dans le bassin du Couesnon : les plantes, introduites en petit nombre pour leur qualité ornementale, ont fini par envahir des zones entières au détriment des autochtones, pourtant implantées depuis des siècles.
Il existe plusieurs types d’invasions biologiques. Elle peut être spontanée, c’est à dire que l’espèce s’est implantée naturellement, au cours du temps (subspontanée si les aménagements humains ont contribué à son expansion). Elle peut être aussi d’origine anthropique, s’est à dire implantée par l’homme, de façon volontaire ou fortuite. Ce second type d’invasion s’est amplifié avec la croissance de l’activité humaine, notamment depuis le XVIIème siècle avec le développement de la navigation et des grandes routes commerciales. Si les premières invasions ont eu des effets relativement limités sur les milieux d’accueil, leur augmentation croissante au cours des dernières décennies, due en majeur partie à la mondialisation, n’a pas permis aux écosystèmes de s’adapter.
Des projets législatifs pour endiguer un phénomène trop coûteux
Depuis 2000, la législation tente d’encadrer les manifestations d’invasion biologique. L’article L411-3 du code de l’environnement, entré en vigueur le 21 septembre 2000, interdit l’introduction dans le milieu naturel de tout spécimen d’espèces non indigènes au territoire d’introduction, si celles-ci ne sont pas cultivées ou domestiquées. Les modifications du 24 février 2005, du 14 juillet 2010 et du 1er septembre 2013 apportent des précisions, notamment des listes établies par arrêté ministériel. Depuis le 2 mai 2007, un arrêté du ministère de l’agriculture et de la pêche et du ministère de l’écologie et du développement durable, interdit la commercialisation, l’utilisation et l’introduction dans le milieu naturel de deux espèces de Jussie, Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides. L’Union Européenne s’est aussi penché sur la question en adoptant le 16 avril 2014, un projet de loi visant à lister les espèces envahissantes et interdire leur commercialisation, utilisation et propagation.
Actuellement, le coût de la lutte contre les espèces invasives en Europe est estimé à 12 milliards d’euros. Le département de l’Ille et vilaine dépense 2 millions d’euros par an pour éliminer les Jussies. Des coûts qui pourraient être évités, à l’avenir, par un effort de responsabilité et de vigilance de la part de chacun.