Babelia : cuisine artisanale et lectures au cœur de Barcelone.

Berta et Lou se sont rencontrées lorsqu’elles travaillaient pour une boîte de production de cinéma. Intéressées par la culture à dimension internationale et par les livres, l’idée de Babelia naquit de cette rencontre. Alors que l’une projetait d’ouvrir une boutique de livres d’occasions en espagnol, catalan et anglais, l’autre pensait plutôt à un café. Les deux avaient le souci de créer un espace de rencontre, autant dédié aux catalans qu’aux étrangers vivant à Barcelone, qu’ils soient anglophones ou d’autres origines. C’était le début d’une belle aventure mêlant amitié, volonté et sourires partagés.

Malgré les difficultés administratives au commencement, elles gagnèrent leur pari. Avec un budget raisonnable, beaucoup de travail, de la récupération de meubles et de livres, ainsi que des partenariats astucieux, Babelia pu ouvrir ses portes en 2013 dans cette ville si cosmopolite.

Effectivement il leur fallut du courage et de la volonté pour trouver le lieu, se l’approprier et le décorer. Elles récupérèrent beaucoup de bouquins grâce à leurs connaissances, grâce à la famille, les amis, autant en castillan qu’en catalan et en anglais puisque Lou est d’origine irlandaise et Berta est catalane. Par la suite récupérer des livres fut facile car les gens venaient et viennent toujours d’eux-mêmes leur offrir les livres lus, et ainsi donner à ces-derniers une seconde vie bien méritée. Car, oui à Barcelone, il y a bien du passage et lors des déménagements, les propriétaires de ces romans, albums ou revues en tout genre, sont heureux de trouver un lieu ou les laisser, et leur épargner ainsi le triste sort de la poubelle.

 

La localisation ? Il fallait un quartier encore traditionnel avec une forte présence catalane mais aussi internationale afin que chaque communauté puisse se côtoyer, se croiser, échanger. Sant Antoni est un quartier qui n’est pas réellement touristique et plus habité par des personnes de toutes origines vivant à l’année dans la cité barcelonaise ; ce secteur leur paraissait donc un bon compromis pour leur objectif, celui de rassembler la population catalane et les expatriés. Et en effet, assise au comptoir j’observe et je m’aperçois que la clientèle est tout autant catalane qu’étrangère. Il y a un couple dégustant un café, des étudiants anglophones en plein travail, des employés de bureau catalans heureux d’y faire une pause sereine et des amies françaises discutant autour d’un thé.

 

«  C’est un site agréable avec une atmosphère zen, on y vient pour trouver le calme, pour pouvoir se concentrer sur un travail. La tranquillité est omniprésente et les visiteurs s’adaptent à cela, parlent calmement. L’énergie est tranquille et bienfaisante. » m’explique une habituée.

 

Si les livres ne se vendent pas autant que l’auraient espéré Lou et Berta, ils sont présents et chacun peut feuilleter quelques pages à son gré. Mais ces bouquins ne sont pas le seul intérêt du lieu. La carte est intéressante et propose toutes sortes de thé bio, de jus naturels ou de mets artisanaux. Du cappuccino au lait de soja au gâteau au Baileys en passant par le jus d’orange naturel, tout le monde peut trouver son bonheur. De plus, on y trouve que des produits de bonne qualité. À Babelia on ne travaille quasiment qu’avec des producteurs locaux et des artisans du quartier. Les croissants et le pain sont fait par un boulanger bio qui utilise une farine sans additifs chimiques ( une pâte-mère). Les pâtisseries sont excellentes et fabriquées main par un artisan local du quartier. Dans leurs jus, salades ou tapas, Berta et Lou utilisent également au maximum des produits bio. Le fromage et la charcuterie proviennent aussi de producteurs de la région. Pour ces patronnes humanistes, la conscience du bon produit était depuis le début une condition sinéquanone pour proposer boissons et en-cas dans leur petite entreprise.

 

Enfin, à côté de tout cela, des activités culturelles sont mises en place telles que des clubs de lecture en anglais et en espagnol, ou encore des activités contes en anglais pour les enfants. Ouvertes à ces idées, Berta et Lou répondent positivement aux propositions de ce type. Si il y a aussi beaucoup de livres en français, il n’y a pas encore de club de lecture dans notre langue. Qui veut se lancer? Tout est possible à Babelia.

Les deux jeunes femmes veulent multiplier les événements culturels. L’échange, la discussion autour de faits littéraires, cinématographiques, musicaux est leur objectif principal. Elles veulent nourrir les rencontres, les esprits, donner de l’amour culinaire et littéraire, rendre propices les rencontres entre catalans et citoyens du monde entier.

 

Quant on veut on peut, et quand l’objectif du projet est de proposer des produits sains, des lettres guérisseuses, des pages inspirantes, c’est une réussite d’autant plus belle. Alors, pour tous les pagivores francophones, anglophones ou hispanophones, les amoureux des pauses cafés sereines, pour une parenthèse détente dans cette vie citadine, pour tout visiteur, touriste égaré en recherche d’un lieu plus calme, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil à leur page facebook ( Babelia Barcelone) et à y passer si vous voyagez en Catalogne.

 




L’éclosion de la révolution verte au Nicaragua.

Et toi qu’imagines-tu quand tu entends le nom de ce pays? Le Nicaragua est ce pays d’Amérique central, voisin du fameux Costa Rica.

Nicaragua…on pense aux forêts vierges, aux fruits exotiques, on imagine une nature exhubérante et un peuple traditionnel resté proche de son milieu environnemental.

C’est ce que je supposais avant de venir ici. Il est vrai que la couleur verte prédomine sur les autres tonalités. Mais hélas tout n’est pas si rose pour les amoureux de la Terre et pour la biodiversité existente.

Effectivement et comme partout, l’agriculture intensive a été développée depuis les années 50 par les divers gouvernements, qu’il s’agisse du gouvernement de Somoza ou du gouvernement révolutionnaire qui pris le pouvoir par la suite en 1979. Si ces derniers révolutionnaires se battaient pour le peuple et la justice sociale, et menèrent à bien une réforme agraire qui partagea plus équitablement les terres cultivées, les préoccupations agroécologiques n’étaient pas encore développées et mises en pratique à cette époque. Pour eux l’agriculture devaient être le socle d’une meilleure répartition économique et il fallait produire pour le pays et pour l’exportation. C’est ainsi que l’agriculture intensive, du coton ou du café, par exemple, détruisit et appauvrit les sols et participa aussi à la deforestation et à l’amoindrissement de la biodiversité.

Aujourd’hui dans nos pays occidentaux les mouvements organiques, biologiques sont de plus en plus répandus et la population, dans sa majorité, qu’elle adhère ou non à ces idées, a connaissance de ces concepts et de ces pratiques. Au Nicaragua, la situation n’en est pas à ce point. La population pense avant tout à survivre chaque jour et la plus grande partie des habitants ne sont pas conscients des problèmes sanitaires et écologiques découlant de ce type d’agriculture intensive et chimique. Or c’est dès à présent qu’il faut agir, alors que le pays est encore riche d’une faune et d’une flore extraordinaire, bien que déjà étiolée. Heureusement des hommes et des femmes ont connaissance de ces dangers et se battent pour la protection des Terres Nicaraguayennes, tels Humberto et Martha, deux sages lumières que j’ai eu la chance de rencontrer lors de ce voyage en tant que volontaire.

 

Humberto et Martha et le Rancho Guadalupe-Tonantzin

C’est effectivement grâce au volontariat dans des propriétés agricoles que j’ai pu me rendre compte que le combat agroécologique n’est qu’à ses balbutiements dans ce pays. Et c’est surtout une rencontre, celle d’Humberto et de sa compagne Marta et de leur Rancho Guadalupe-Tonantzin, qui m’ont permis de comprendre à quel point les concepts de développement durable et de protection de la biodiversité ne sont pas encore assez répandus dans le monde et surtout dans des pays en plein développement, qui se dirigent malheureusement vers un modèle économique et agricole qui, chez nous et ailleurs dans le monde, a déjà prouvé ses faiblesses, ses limites.

Arrivée sur leur propriété en janvier, j’ai découvert un monde protégé, une atmosphère sereine et des personnes riches intellectuellement et sentimentalement. Leurs terres se situent à l’ouest du Nicaragua, près d’un village nommé Diriamba et à une dizaine de kilomètres de l’océan. Le climat, en ce mois de janvier 2015, y est chaud et sec et un vent, tantôt fort, tantôt léger souffle dans cette finca (terre agricole) de 38 hectares. En ce lieu, le couple cultive des fruits et des légumes, pastèques, coriandre, citrons, oranges, bananes, mangues et encore bien des fruits et légumes selon la saison et l’envie. Evidemment, leur travail n’a rien à voir avec l’agriculture intensive, mais suit plutôt les principles de la permaculture. Mais il ne s’agit pas que de végétaux puisque des vaches, des chevaux, des lapins, des poules et un cochon cohabitent avec eux et profitent chaque jour de leurs soins, sans oublier une femelle singe bléssée, qu’ils soignent avant de la relâcher. Et certains visiteurs plus sauvages sont aussi présents et se baladent tranquilement sur ce territoire où ils se sentent en sécurité ( serpents, iguanes, renards, oiseaux…). Humberto a observé la présence de plus d’une centaine de types d’animaux différents. Effectivement le mot sécurité n’est pas anodin, puisque des pratiques barbares et gratuites ont lieux au Nicaragua de la part des humains. Par ignorance, par inconscience, les enfants comme les adultes s’amusent à chasser les iguanes, les renards et tous types d’animaux, que ce soit par simple distraction ou pour les manger ( l’iguane ou la tortue sont des plat très appréciés par les Nicaraguayens, qui ne se soucient malheureusement pas du fait qu’ils soient en voie de disparition…). Le combat est donc le suivant : agir maintenant avant de détruire peu à peu la diversité végétale comme animale.

 

Humberto fait partie d’un mouvement qui lutte pour cela. La coopérative agroécologique du Nicaragua est née officiellement en 2009. Mais certains de ses membres se connaissaient et agissaient déjà ensemble depuis 2004. Ils se rencontrèrent lors de conférences organisées au Nicaragua mais par des personnes étrangères, par des associations internationales. Ces conférences ou réunions traitaient évidemment de l’agroécologie. Ils se rendirent compte que leur vision était partagée par d’autres et décidèrent de créer un mouvement national, dont les protagonistes seraient les agriculteurs natifs du pays. Aujourd’hui, en 2015, ils sont presque 20000 adhérents. Cela est déja beaucoup mais représente peu face à la population du Nicaragua qui atteint quasiment 7 Millions. Leurs buts sont divers; consommer, produire et vendre des produits dénués de toute trace d’engrais, pesticide ou fongicide chimiques et cultivés sur des terres vierges, débarassées de tout reliquat d’agriculture intensive et donc de substances chimiques. De plus ils promeuvent ce type d’agriculture auprès de communautés agricoles, auprès des agriculteurs Nicaraguayens et les aident à trouver des solutions naturelles pour produire mieux tout en assurant leur propre subsistance . Aujourd’hui ils cherchent aussi des partenaires afin d’exporter leurs produits.

Ce type d’agriculture ne représente que 20 % de la production nationale et ils souhaitent arriver à 50 %. Ils souhaitent que la population ait le choix et puisse décider de ce qu’ils consomment. Cela induit une promotion et une éducation à ces concepts trop peu connus dans le pays pour le moment. Leurs objectifs rejoignent les mouvements agroécologiques internationaux: reminéralisation des sols endommagés, conservation des graines et de la biodiversité, diversification et rotation des cultures, solutions naturelles pour lutter contre les insectes ou les maladies attaquant les plantes (Leur principale référence: los guerreros Verdes)

La cause est noble mais les difficultés multiples. Le problème majeur est le manque de soutien de la part du gouvernement et par conséquent un manque de soutien économique. Si le gouvernement a déja reçu et écouté la coopérative, leur promettant de l’aide et des actions, la pratique ne rejoint pas le discours. Effectivement si le gouvernement Nicaraguayen est le résultat d’une révolution à laquelle ont d’ailleurs participé les membres de la coopérative, aujourd’hui ce n’est qu’un gouvernement comme tant d’autres, un gouvernement dont les décisions sont régies par les apports financiers et donc par les lobbys; lobbys exercés par ces producteurs de fertilisants
chimiques bien connus de tous.

Ainsi par exemple l’INTA ( Institut National des technologies agricoles et de la pêche) a publié un petit livret pour mieux utiliser les pesticides, dans lequel ils recommandent de limiter leur utilisation tout en autorisant leur utilisation. Ce double discours est omniprésent. Et la coopérative doit se débrouiller pour assurer sa promotion, les politiques n’apportant aucun soutien économique.

Et les consommateurs en manque d’information et désintéressés par ces thème écologiques, choisissent encore rarement d’acheter des produits bio. C’est pourquoi les bénéfices et les moyens de la coopérative restent superficiels.

Le combat écologique et organique de ces producteurs est une lutte constante, semée d’embûches mais leur volonté est de fer et peu à peu leurs actions prendront de l’importance. Ils ont tout de même la chance de se développer en parallèle avec d’autres mouvements internationaux agroécologiques qui peuvent et doivent communiquer et s’entraider. Ils s’inscrivent dans cette mouvance globale qui prône le respect de la Terre mère et un retour à des valeurs simples, authentiques, à une sobriété heureuse.

Si un volontariat ou un échange avec la coopérative vous intéresse, vous pouvez contacter le Rancho Guadalupe et la coopérative à l’adresse suivante: nicaragua.tonantzin@gmail.com.