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Comme une envie pressante de toilettes sèches

(Rediff) A l’heure… caniculaire où l’eau – beaucoup trop polluée et gaspillée (100 millions de m3 d’eau potable sont consommés annuellement rien que pour les WC) – fait l’objet de restrictions qui touchent déjà chaque année un tiers du territoire et devront sans doute bientôt s’imposer à tous les étages, où les prix des fruits et légumes, parmi d’autres produits alimentaires, plombent le panier ménager, il n’est pas anodin de plonger notre nez dans un endroit qui jouit encore hélas d’une trop fâcheuse réputation, pour de mauvaises raisons alors qu’il recèle de véritables trésors, tant économique qu’écologique: je veux parler du petit coin, lorsqu’il se fait toilette(s) sèche(s). Ces dernières permettent en effet de réduire substanciellement sa consommation d’eau potable en préservant la ressource et de fournir à son potager un excellent compost.

Bien que s’étant démocratisées ces dernières années auprès de certaines catégories de populations, grâce à leur usage dans des festivals de musique, ainsi qu’à leur promotion par des associations, autoconstructeurs et professionnels de l’habitat écologique, les toilettes sèches peinent hélas encore à conquérir largement les foyers, tant individuels que collectifs.

Il sera aisé aux lectrices et lecteurs en proie à la curiosité de trouver sur internet et en librairies des informations et ouvrages, tant généraux que pratiques sur les bienfaits et la simplicité d’usage des toilettes sèches (voir nos liens en fin d’article). Leur installation sollicite autant la créativité que la stimulation hormonale de récompense d’avoir franchi – modestement mais sûrement – une étape non négligeable dans le parcours des « petits » gestes de sauvetage d’une planète à rendre encore vivable.

Et pour lever les dernières réticences, huit foyers finistériens entre Morlaix, Plouigneau, Plougasnou et Plouégat-Guerrand, ont bien volontiers accepté de livrer leurs expériences – anciennes ou récentes – réflexions, conseils sur l’installation et l’usage de toilettes sèches, au travers desquels l’entraide n’est pas un vain mot. Confirmant ainsi la valeur de ce proverbe africain qui dit : « C’est dans le besoin que l’on reconnaît ses amis ».

Quand et pourquoi l’envie d’en installer vous a-t-elle pris.e?

Martine : C’était en 1999, après plusieurs actions militantes pour la ressource en eau dans le nord du Finistère avec l’association S-EAU-S. Il fallait être cohérents, les déjections humaines dans l’eau potable commençaient à nous culpabiliser. Et puis passer notre temps à cacher et ignorer tout ce qui fait déchets …

Hubert : Je suis passé aux toilettes sèches en 2008 suite au conseil d’un ami écolo (Charles Frère) qui me disait que j’allais y gagner en cohérence et que ça allait me faire un bien fou. C’était vrai, en recyclant nos déjections par un compostage, on se réinscrit dans le cycle de la nature, on enrichit le milieu au lieu de l’appauvrir et le polluer, ce qui réjouit un écolo.

Charlotte : En 2009 lors d’un emménagement en location dans une maison à la campagne, pour raisons écologiques. La présence du jardin nous permettait de composter (avant nous étions en appart, donc pas possible). Puis en 2010 pour un projet en totale autonomie (ni eau ni élec du réseau). Et encore en 2012 dans une maison sans fosse septique (on n’a pas eu à en faire une du coup, c’est accepté par le spanc, on a juste un bac dégraissant pour les eaux grises). En fait, on ne se pose même plus la question !

Gilles et Valérie : Ca faisait partie de notre pack de base  » habitons une maison écologique », donc nous avons des toilettes sèches depuis une dizaine d’années…. Des toilettes sèches, c’est beaucoup moins d’eau, une phyto-épuration facilitée…. bref, c’était une évidence !

Clémentine et Guillaume : Il y a 14 ans,  à l’arrivée dans notre maison en bois avec du terrain pour pouvoir faire du compost.

Grégoire et Véronique : Nous avons des toilettes sèches depuis 12 ans environ, depuis que nous habitons dans notre maison… cela nous paraît une évidence : on ne gâche pas l’eau potable ! Les toilettes sèches c’est sans odeur ( à part la bonne odeur des copeaux!), sans bruit, sans fuite et sans plombier…. et puis gérer toutes les sortes de caca que nous générons comme êtres humains (caca(s) économique, écologique, émotionnel, psychologique, spirituel et bien sûr physiologique!), on se lance ce pari fou tous les jours !

Laurence : C’était il y a deux ans. Cela faisait longtemps que je souhaitais installer des toilettes sèches sur lesquelles je m’étais documentée de longue date, n’y voyant que des avantages : écologiques, économiques, esthétiques. Et puis j’ai toujours beaucoup aimé découvrir les toilettes sèches des potes ou encore celles sur des événements festifs ! Mais ayant été de nombreuses années en location, ce n’était pas envisageable. Comme je vis maintenant dans une maison de famille, c’est devenu enfin possible. Cela dit, il m’a fallu quelques années pour enfin passer à l’acte.

Véronique : J’avais prévu d’avoir des toilettes sèches chez moi lors de la construction de ma maison en bois pour ne pas gaspiller cette ressource précieuse qu’est l’eau et pour recycler mes déchets au potager en plus du compost  !!! Je suis passée à l’action suite au premier confinement, après avoir vu l’effet du compost de toilettes sèches sèches de ma voisine dans le potager.

Auto-construites ou non (comment, avec qui…) ?

Martine : Oui autoconstruites en lieu et place du bidet en céramique à l’intérieur de la maison.

Hubert: autoconstruites évidemment pour un menuisier ! Et puis aussi parce que cela est tout à fait simple : pas de pelleteuse, pas de fosse septique et pas de plomberie!

Charlotte : oui, avec mon compagnon.

Gilles et Valérie : totalement autoconstruites par Grégoire, avec des améliorations qui arrivent au fur et à mesure des années, amélioration de l’accès à la sciure, surélévation des  pieds pour un popo plus physiologique, seaux moins lourds pour le transport vers le tas de compost….

Clémentine et Guillaume : Autoconstruction un peu à l’arrache d’ailleurs !

Grégoire et Véronique : Nos toilettes sont autoconstruites, mais nous allons améliorer leur aspect dès que possible, nous avons vu beaucoup de chefs d’œuvre en ce domaine, alors nous en sommes un peu jaloux.

Laurence : J’ai fait appel à un copain, artisan-menuisier chez qui je me fournis aussi en copeaux et sciure. Il m’a fait une petite merveille !

Véronique : J’ai acheté des toilettes sèches déjà construites. Un jour, j’aimerais me fabriquer un joli trône un peu kitch !

A l’usage, quelles sont vos joies (votre plus grande satisfaction…), vos déceptions ?

Martine : Bon, c’est en quelque sorte le retour du réel, le caca à gérer en direct. Le seau, pas trop grand car autrement trop lourd, le sentier jusqu’au compost bien dégagé car sinon…, la difficulté de se procurer de la sciure en quantité depuis que je suis seule. En fait, je me procure des copeaux destinés à l’élevage de hamsters ! Évidemment, la bavette accrochée à la partie antérieure du wc pour bien orienter l’urine dans le seau et au moins deux tas de compost au fond du jardin, posés sur du béton et recouverts pour éviter des ruissellements.

Hubert : Pour que l’utilisation soit simple et agréable il faut que tout soit bien pensé et conçu. Plusieurs seaux pour pouvoir les changer rapidement lorsqu’ils sont pleins sans être obligé de les vider dans la minute. Une bonne bavette sous la cuvette pour éviter les projections de pipi en dehors du réceptacle, un bon copeau bien sec pour une bonne absorption des odeurs et un compost où vider les seaux pleins assez éloigné du lieu de vie, car au moment de vider un peu d’odeur peut persister dans le temps.
Quant à la vidange des seaux, il faut considérer cela comme un rituel, une offrande généreuse à la terre nourricière, un petit effort qui enseigne l’humilité, car lorsque tu te retrouves vidangeur de chiotte, tu n’es pas trop enclin à la ramener… Un bidon d’eau de pluie, de la cendre, un balai à chiotte recyclé pour l’occasion et si en plus la perspective est belle et bien voilà l’occasion d’un peu d’exercice qui joint l’utile à l’agréable. What else?

Charlotte : Plus agréable niveau odeur, mais parfois la corvée de les vider. Quand on a des invités, ça se remplit vite et c’est toujours à nous de les vider. Problème de l’urine : nous, on a tendance à faire pipi ailleurs pour éviter les odeurs et que le seau se remplisse moins vite mais les invités font beaucoup pipi et ça devient vite plein et trop liquide (ils ne mettent pas assez de sciure). Par ailleurs en collectif, certains « oublient » de vider et quand il est plein à raz-bord, c’est le cauchemar…

Gilles et Valérie : Que du positif, d’autant que ce n’est pas moi qui suis de corvée de seau, ahaha ! Pas de bruits, pas d’odeurs, pas d’eaux grises…. il serait impossible de revenir en arrière ! 

Clémentine et Guillaume : De ne pas utiliser d’eau potable pour évacuer nos fiantes et autres urines. Parfois quand on est nombreux à la maison c’est fatigant de devoir les vider tous les 2 jours.

Grégoire et Véronique : Que du bon ! Bien sûr, le vidage des seaux est une petite contrainte, mais avec 2 ou 3 seaux pour tourner, c’est gérable… nous avons un bon compost élaboré à partir de ces toilettes sèches, que nous laissons mûrir 2 ans avant de l’utiliser au potager ou sous les arbres… mais la meilleure satisfaction est de ne plus utiliser d’eau potable pour envoyer on ne sait trop où nos petites et grandes commissions quotidiennes…. J’avoue que j’aime aussi assez bien regarder ce qui sort de mes entrailles et ainsi regarder si «  ça va bien » !Prochaine étape pour nous : installer une douchette pour ne plus utiliser de papier toilette, comme dans de nombreux pays, qui considèrent notre hygiène comme très douteuse R.etour de l’eau aux toilettes donc, mais pour un autre usage !

Laurence : Ne plus contaminer inutilement de l’eau potable et ne plus entendre le bruit de la chasse d’eau. Le plaisir d’apporter de l’azote à mon jardin chaque fois que j’y pisse. L’urine est un très bon fertilisant. Avoir réalisé mon premier beau et bon compost dont mes plantes aromatiques profitent maintenant amplement. Vérifier la bonne qualité de mon microbiote en pouvant examiner mes selles (aspect, odeur), sentir la bonne odeur des copeaux de bois et de la sciure chaque fois que j’entre en ce lieu. Prochaine étape : réduite l’usage du papier-toilette en réutilisant du papier d’emballage.

Véronique : Le potager profite pendant que ma facture d’eau diminue ! Pas de déception. Et je récupère la sciure gratis chez un menuisier.

Une anecdote marquante ?

Martine : Au début la honte de nos filles qui étaient ados et ne voulaient plus inviter personne et puis merci les festivals, le retour de balancier et la fierté d’avoir des parents vraiment écolos. Par contre, des toilettes qui restent pas très pratiques si beaucoup d’invités et un petit coup dans le nez, vous imaginez sans dessin. Depuis, on a installé une jolie cabane de toilettes sèches qui sert pour ce genre de fiesta.

Hubert : Franchement pour l’anecdote marquante je vois pas trop, c’est sûr que l’anse du seau qui casse lorsqu’on le descend dans l’escalier cela pourrait avoir de l’allure, mais sur ce sujet là, je recommande de changer de seau dès que des signes de faiblesses apparaissent!  Ce qu’il y a de plus marquant c’est qu’on peut mettre des toilettes dans les pièces de notre choix et ainsi ne plus être obligé de traverser la maison la nuit pour son petit pipi,  ce qui est vraiment confort pour les pisseuses et les mâles de plus de cinquante ans « prostatés »!

Gilles/Valérie : Utiliser des toilettes à eau, ce qui arrive à l’occasion, me semble aujourd’hui tout à fait surréaliste… voire indécent, vu qu’il s’agit de noyer son pipi et son caca dans de l’eau potable !

Charlotte : J’étais allée vider le seau, pendant ce temps un ami canadien y va, ne se rend pas compte qu’il n’y a pas de seau et il fait caca par terre.

Clémentine et Guillaume : En vidant le seau, un peu lourd, celui-ci a trop vite quitté mes mains et j’ai reçu des éclats sur mon visage . Un délice !

Véronique et Grégoire : la tête de certaines personnes, quand on leur annonce que nous avons des toilettes sèches et qui, très visiblement, se retiennent ou écourtent leur visite ! La tête d’autres personnes, parfois les mêmes, lorsque nous leur racontons les bons effets du compost de caca dans le potager, c’est bien plus amusant de leur raconter cela lorsqu’ils mangent une salade ou des courgettes du jardin à notre table !

Laurence : Les éclaboussures au moment de verser un peu trop promptement le contenu du seau dans le bac à compost : un grand classique de débutante !

Véronique : Euh, ben non !!!

Vos conseils aux futur.e.s acquéreur.e.s ?

Martine : L’essayer c’est l’adopter. Pour débuter, je conseillerai toutefois de ne pas être trop radical et de garder des toilettes classiques pour les invités qui pourraient être un peu rebutés.

Hubert : Le mieux est quand même qu’ils se renseignent  auprès de quelqu’un qui expérimente les toilettes sèches depuis quelques années, ils auront ainsi les bons conseils pour un bon début, car mal conçue et mal adaptée, une toilette sèche peu rebuter les plus motivés.

Charlotte : Préférer la sciure, plus absorbante, aux copeaux qui masquent moins les odeurs. Prévoir au minimum 3 espaces de compostage pour avoir le temps que le compost soit fait avant de les vider. Prendre des seaux en inox (tous les autres se tâchent à la longue).

Gilles/Valérie : Réfléchir à la plus courte distance possible entre le tas de compost et les toilettes, à moins d’aimer la musculation…. pour ceux qui peuvent, par exemple ceux qui contruisent du neuf, privilégier la  » séparette », qui mène les liquides vers l’extérieur, le  seau ne recevant que les solides… ce qui est lourd, ce sont les litres de pipi gonflés de sciure ! Ceci dit, c’est grâce à l’urine que les odeurs sont affaiblies….

Clémentine et Guillaume : Prévoir une trappe en accès direct vers l’extérieur pour ne pas avoir à traverser la maison avec le seau rempli.

Grégoire et Véronique : Réfléchir à la gestion dess eaux, notamment quelles pièces seront à traverser pour aller vers le tas de compost, pour éviter les étages, les longues distances… mettre la réserve de sciure le plus près possible de la lunette, pour ne pas avoir de copeaux partout sur le sol…

Laurence : Si vous passez à la maison, filez droit au p’tit coin pour vous y installer confortablement et plonger le nez dans le guide pratique que je mets à disposition : « Toilettes sèches – les comprendre, les construire et les utiliser » co-édité par les associations A Petits PAS et Empreinte. Sinon, consultez-le sur : https://empreinte.asso.fr/wp-content/uploads/2021/01/GuideToilettesSe%cc%80ches.pdf

Véronique : Il faut se poser la question de qui va les utiliser. J’ai des toilettes normales et des toilettes sèches utilisées par la famille exclusivement. Je ne gère que le caca pipi de la famille en gros !!!

Quelques liens utiles :

Guides composteurs-pailleurs de Brest et alentours : http://guidecomposteurpailleur.infini.fr/spip.php?article99

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/construire-des-toilettes-seches-a-compost-ecologiques-economiques-et-confortables-513-cl.htm

https://lamaisonecologique.com/noslectures/un-petit-coin-pour-soulager-la-planete/

https://positivr.fr/4-raisons-adopter-toilettes-seches/

https://kaizen-magazine.com/article/des-toilettes-seches-dans-nos-immeubles-est-ce-possible/

Location de toilettes sèches en Bretagne et Loire Atlantique – Carnet d’adresses pour les communes (Bruded) : https://www.bruded.fr/wp-content/uploads/2018/02/toilettes_seches_tableau.pdf

 




Voir, ressentir « L’oiseau, en soi » et ceux du dehors, qu’il reste encore !

Dans leur exposition, « L’oiseau en soi », visible à Auray (Morbihan) jusqu’au 9 juillet, s’accompagnant d’ateliers et d’une balade avec la LPO Bretagne, les deux artistes Juliette Gautier et Thomas Baudre nous invitent rien moins qu’à Habiter en oiseau, ainsi qu’à Une infinité de manières d’être au monde. Pour mieux sauver tous ceux du ciel, dont Bretagne Vivante nous rappelle l’urgence.

Nous pourrions aisément (mais non sans peine) en oiseau de mauvaise augure, filer la métaphore sur ce que nous, humains, faisons aux seuls représentants actuels des dinosaures théropodes, réchappés de l’extinction Crétacé-Paléogène il y a 66 millions d’années, pour mieux saisir à quel point ils battent de l’aile, tant à travers l’Europe qu’en sa pointe bretonne.

Les faits sont pourtant bien là, implacables. Il y a quelques jours, une étude a révélé que « en quarante ans, le nombre d’oiseaux des champs a diminué de 60 % sur le Vieux Continent », nous alertait le journal Le Monde. Etude qui hiérarchise, pour la première fois, les raisons de ce déclin : pesticides et engrais sont les causes majeures de l’effondrement des populations d’oiseaux en Europe.

Et l’association Bretagne Vivante d’enfoncer douloureusement le clou sur les chiffres et l’origine de la disparition des oiseaux, en particulier dans notre région : « Près de 800 millions d’oiseaux ont disparu depuis 1980, soit 20 millions chaque année, selon une étude du Centre national pour la recherche scientifique (CNRS) et de l’université de Montpellier publiée le 15 mai dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). “Le nombre d’oiseaux a décliné de 25% en 40 ans sur le continent européen”, souligne un communiqué de presse et le chiffre atteint même “57% pour les oiseaux des milieux agricoles.»

En Bretagne : le moineau friquet en danger critique et le tarier des prés, considéré éteint

«Les oiseaux des milieux agricoles sont des espèces de milieux ouverts ou bocagers qui utilisent cultures ou prairies pour rechercher leur alimentation ou nicher, telles que l’alouette des champs, le bruant jaune ou le pipit farlouse. En Bretagne, en plus de l’agriculture intensive, les changements climatiques affectent aussi la dynamique de ces espèces et leurs aires de répartition. Ainsi, les populations de bruant jaune et de pipit farlouse sont en régression, et abandonnent le sud et l’est de la région. Les analyses du protocole STOC en Bretagne montrent que les populations de bruant jaune ont subi une diminution estimée à 73 % de 2001 à 2021, tandis que l’abondance de la Tourterelle des bois est en déclin de 43% sur la même période. Cette espèce qui se nourrit au sol de graines et niche dans les haies basses est particulièrement impactée par les pratiques de l’agriculture intensive. » Le CNRS alerte aussi sur le sort de plusieurs espèces, comme le moineau friquet ou le tarier des prés dont les populations ont baissé de 75% en France. Le premier est en danger critique d’extinction en Bretagne et le second considéré éteint. Les conclusions de l’étude  “démontrent l’urgence de repenser le mode de production alimentaire actuel. » (Source : https://www.bretagne-vivante.org/2023/05/lintensification-de-lagriculture-est-a-lorigine-de-la-disparition-des-oiseaux-zoom-sur-la-bretagne/).

Malgré ces constats factuels sans appel qui s’accumulent au fil des dernières décennies (dans son ouvrage récemment réédité « Le printemps silencieux », la biologiste nord-américaine Rachel Carson lançait déjà l’alerte… en 1962), nous peinons à changer de braquet pour enrayer l’hécatombe, tant notre action collective ne parvient pas à se hisser efficacement sur l’échelle systémique du problème.

L’oiseau, en soi

Dans son puissant livre « Manière d’être vivant » (https://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-humaines-et-sociales-sciences/manieres-detre-vivant), Baptiste Morizot en appelle à une « bataille culturelle à mener quant à l’importance à restituer au vivant », où « il s’agit de refaire connaissance : approcher les habitants de la Terre, humains compris, comme dix millions de manières d’être vivant ». A l’instar du philosophe pisteur, des croisements à la fois stimulants et poétiques s’opèrent, par la grâce de porteuses et porteurs de pensées hybrides, scientifiques et interdisciplinaires, et de gestes artistiques. Les récents ouvrages, « Habiter en oiseau » de la philosophe et psychologue Vinciane Desprets (https://www.actes-sud.fr/catalogue/nature-et-environnement/habiter-en-oiseau, citée plus bas par les deux artistes) et «  Une pluie d’oiseaux » de l’historienne-essayiste Marielle Macé (https://www.jose-corti.fr/titres/une-pluie-d_oiseaux-mace.html) en attestent de magnifique et vibrante façon.

Avec leur exposition « L’oiseau, en soi », visible en la Chapelle du Saint-Esprit d’Auray jusqu’au 9 juillet prochain, les deux artistes Juliette Gautier et Thomas Baudre s’inscrivent dans cette lignée.

Diplômée d’arts plastiques à l’école européenne supérieure d’art de Bretagne (EESAB) de Rennes puis de l’EESAB de Brest en option Design de la Transition, Juliette Gautier mêle ses pratiques artistiques à une approche sociologique et zoologique. Elle aime questionner nos us et coutumes au travers des tabous. Le corps humain et les phénomènes de dégradation naturelle sont omniprésents dans sa recherche.

De son côté, après des études en ingénierie à l’Institut national des sciences appliquées de Rennes, Thomas Baudre (www.thomasbaudre.com) est ensuite diplômé de l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (ENSAAMA) à Paris ; il a ensuite développé plusieurs projets de films d’animation. À travers ce médium, il s’intéresse à ce qui motive les gestes humains et animaux, et à ce qu’ils engendrent.  L’intelligence du geste est devenue un sujet central dans sa démarche artistique.

Crédits photos : Thomas Baudre

Avant d’aller découvrir leur exposition qui a fait l’objet en avril dernier, d’une résidence de création artistique menée au Domaine de Kerguéhennec/Département du Morbihan, une mise en bouche – au sens propre du terme, c’est-à-dire en lecture à voix haute pour en apprécier les saveurs, à tous les étages de notre être – des bons mots des organisateurs/trices de l’exposition et des deux artistes s’impose. Les voici donc :

« Et si un oiseau résidait en chacun de nous ? Cette question jalonne les œuvres installées au cœur de la Chapelle du Saint-Esprit d’Auray, en nous conviant à une introspection inhabituelle. Mêlant installations et cinéma d’animation dans un dialogue teinté de chants, les artistes Juliette Gautier et Thomas Baudre nous donnent à voir et à ressentir « L’oiseau, en soi ».

À travers cette exposition, Juliette Gautier et Thomas Baudre placent l’oiseau au centre de toute notre attention. Ils nous invitent à le considérer en soi, pour ses qualités intrinsèques. L’oiseau est un sujet à penser en profondeur dans toute sa singularité, dans toute son étrangeté. Cette exposition nous invite ainsi à changer profondément de regard.

Une approche ornithologique singulière s’ouvre à travers cette incitation, articulant le naturalisme et l’animisme, deux manières de percevoir le monde. Les deux artistes s’accordent avec l’anthropologue Philippe Descola : la séparation Nature / Culture n’est qu’une production sociale, une frontière qui n’existe pas. Il y a simplement des humains et des non-humains, faisant partie d’un Tout continu.

Habiter en oiseau
La notion de territoire se veut présente dans cette exposition, il est ici question de frontières. Que signifie le fait d’ « habiter en oiseau » ? Cette formule tirée du livre de Vinciane Despret, psychologue et philosophe des sciences belge, nous convie à une forme d’empathie, à un regain de sensibilité, nécessitant un arrachement à soi. Comprendre la manière dont les oiseaux peuplent la terre implique de s’extraire, un instant, de sa peau d’être humain. Aussi, les œuvres présentées questionnent, chacune à leur manière, les complexités propres à l’acte de territorialisation des oiseaux.

Une infinité de manières d’être au monde
Les oiseaux déploient une infinité de manières d’être au monde, tout en nuances. À ces mouvements infinis, il convient d’accorder la plus grande importance. C’est également à cela que nous invitent les deux artistes : focaliser notre attention sur l’infime, sur cette somme de détails qui constitue la beauté du peuple des cieux. Le moindre battement d’aile est décomposé, redessiné, amplifié, grâce au potentiel du cinéma d’animation.

Questionner les manières d’être au monde des oiseaux implique nécessairement des renversements : basculement d’échelle, de perspective. Dans cette exposition, le territoire est mis en branle, déséquilibré. Et pour cause : il n’y a rien de plus mouvant qu’un territoire. Le Parc Naturel Régional du Golfe du Morbihan constitue un cadre idéal pour cette recherche, au regard de la variété des espèces d’oiseaux qui y vivent. Mêlant le sensible à l’intelligible, les deux artistes ont déployé pour l’exposition un langage plastique qui parle pour les oiseaux : pour, c’est-à-dire à leur attention, mais aussi en leur nom. Au nom et à l’attention, aussi, de l’oiseau qui vit en nous. »

Crédits photo : Thomas Baudre

L’oiseau, en soi – Juliette Gautier et Thomas Baudre
Exposition du 13 au mai au 9 juillet 2023 à la Chapelle du Saint-Esprit, Auray
Entrée libre

Horaires d’ouverture :  Lundi > samedi 10h30-12h / 14h-18h – Dimanche 14h-18h – Fermé le mardi

Autour de l’exposition

ATELIER NICHOIRS
avec Juliette Gautier
Mercredi 24 mai 14h-17h à la Chapelle du Saint-Esprit

Lors de cet atelier, vous apprendrez à construire un nichoir pour les oiseaux. Avec des planches de bois, vous fabriquerez une maisonnette. Chaque oiseau aime faire son nid dans des conditions différentes, vous apprendrez à comprendre ses spécificités et vous les appliquerez afin qu’il s’approprie la cabane. Pour finir, vous pourrez décorer votre nichoir avec des éléments naturels.
Atelier ouvert à 10 personnes à partir de 10 ans
Gratuit – sur inscription à mediation.athena@ville-auray.fr

ATELIER ROTOSCOPIE
avec Thomas Baudre
Samedi 3 juin 14h-16h à la Chapelle du Saint-Esprit

Au cours de cet atelier, vous apprendrez à réaliser de courtes séquences en animation, à travers la « rotoscopie ». Cette technique accessible consiste à relever image par image les éléments d’une figure filmée afin de les retranscrire en dessin animé.
Atelier ouvert à 10 personnes à partir de 5 ans
Gratuit – sur inscription à mediation.athena@ville-auray.fr

VISITES GUIDÉES DE L’EXPOSITION
avec les médiatrices culturelles
Chaque samedi à 11h à la Chapelle du Saint-Esprit

Les médiatrices de l’exposition L’oiseau, en soi vous proposent des visites guidées tous les samedis.
Gratuit – sans réservation

DES LINOGRAVURES DANS LA VILLE
Dans les vitrines de commerces d’Auray

Baladez-vous dans les rues d’Auray et découvrez des linogravures réalisées par Juliette Gautier dans les vitrines des commerçants. Deux parcours vous sont proposés pour découvrir les 10 linogravures de Juliette Gautier dans 20 vitrines. Vous trouverez ci-dessous (et à télécharger) un plan pour vous accompagner dans votre balade.

BALADE A LA DÉCOUVERTE DES OISEAUX
avec la LPO Bretagne (Ligue de Protection des Oiseaux)
Samedi 3 juin 9h30-11h30

Partons sur le terrain à la découverte des oiseaux ! Équipés de jumelles, nous observerons les oiseaux et apprendrons à les reconnaître à travers de petites anecdotes.
Départ du Centre Culturel Athéna et balade vers le parc Cadoudal
Balade ouverte à 20 personnes dès 7 ans
Gratuit – sur inscription à mediation.athena@ville-auray.fr

https://www.auray.fr/Culture-Loisirs/Centre-Culturel-Athena/Exposition-L-oiseau-en-soi




D’une saison l’autre, ce Petit Jardin Discret des Spontanées en baie de Morlaix

Il en va de l’élaboration de certains articles comme des graines en dormance : le temps qu’il faut y fait son œuvre avant que, sortant de terre, les germinations puis les floraisons en quête de lumière s’offrent aux regards. Ainsi, au cours de  l’été 2022, nous avons rencontré une première fois un grand gaillard venu de l’est de la région pour accompagner bénévolement dans sa mue, le Jardin de l’association Traon Nevez, sur le site du Dourduff-en-mer, commune de Plouézoc’h.

Ancien régisseur de spectacles vivants, Maxime Boiteux a entamé une reconversion professionnelle, avec un BTS Aménagement paysager/écojardinage responsable à Combourg pour se consacrer désormais à un autre type de spectacle : celui des métamorphoses du vivant, en particulier végétal.

Serait-ce la fréquentation des sols vivants et des vers qui conduit les jardiniers à habiter si poétiquement le monde et à se connecter entre eux ? Nous sommes tentés de le croire. Devenant paysagiste naturel, Maxime est entré en relation avec Tiphaine Hameau, autre artiste-jardinier qui a réveillé tout en douceur depuis quelques années les Jardins de l’ancienne Manufacture de tabacs, à la demande de Morlaix Communauté, et que nous avions rencontré au début de l’hiver 2021 : http://www.eco-bretons.info/rencontre-tiphaine-hameau-en-ce-lent-jardin/.

Tiphaine Hameau et Maxime Boiteux

A quelques centaines de battements d’ailes d’oiseau marin, un autre jardin a appelé ces deux-là. Au Dourduff-en-Mer, sur la palud de Mez-ar-Zant, tout proche du sentier côtier (GR34) menant nos pas baladeurs vers Térénez en Plougasnou et bien au-delà, l’ancien jardin du château de Trodibon vit depuis des années à l’abri d’un grand mur qui l’enclôt, au rythme des activités proposées par l’équipe associative de Traon Nevez. Celle-ci anime le site du même nom appartenant à la Fondation Massé Trévidy qui gère une trentaine d’établissements sociaux ou médico-sociaux dans le Finistère. Le jardin, avec son potager et son verger, s’est ainsi longtemps conjugué en mode partagé, avec des ateliers de jardinage animés par les éducateurs des jeunes de l’Institut Médico-éducatif/IME, des événements ponctuels tels que des expositions de photos naturalistes, organisés par des étudiant..e.s en BTS gestion et protection de la nature du lycée voisin de Suscinio : https://traonnevez.fr/le-jardin/.

Il est des rencontres entre vivants où parmi eux, certain.e.s humain.es entretiennent des « égards ajustés » – chers au philosophe Baptiste Morizot* – avec, non pas ce qui les environne, comme s’il s’agissait de quelque chose qui leur est extérieur, mais avec ce qui fait intimement partie de leur être, comme une altérité familière. C’est donc tout naturellement que leur verbe s’y accorde, poétiquement. En témoigne celui de Maxime s’adressant aux membres de l’association Traon Nevez, en mai 2022, pour y présenter la « note d’intention » que lui a dicté ce « Petit Jardin Discret des Spontanées ». Nous vous invitons à le découvrir ici :

Note d’Intention – Jardin Traon Nevez – Maxime Boiteux

Sur son site, à la page dédiée à Traon Nevez, la Fondation Massé Trévidy présente ainsi la démarche de Maxime : « À la suite d’une analyse du sol du potager, et après recoupement avec les dires de passants, il a fait une proposition d’aménagement atypique du jardin : valoriser les adventices présentes (les « mauvaise herbes ») en retrouvant leurs propriétés pharmaceutiques, culinaires et architecturales. »

Maxime devant un tas de foin, à la fois propice à la relaxation des corps et à l'amendement du sol

S’en est suivi une étape préparatoire dans le cadre d’un stage de deux semaines sous la houlette de Tiphaine Hameau, en vue d’analyser le sol du lieu et d’y effectuer un impressionnant relevé des végétaux, tant par sa diversité que par l’inventivité humaine à les nommer et les qualifier, telles la Scrofulaire noueuse, la Potentille rampante, l’Eupatoire chanvrine, la Houlque laineuse, la Buglosse toujours verte et bien d’autres…

Puis Maxime a investi le jardin tout au long du mois d’août 2022 pour une résidence de travail au cours de laquelle nous l’avons donc rencontré et où il nous expliqua sa démarche de ménagement bien plus que d’aménagement du lieu. En partant toujours du faire avec l’existant, le spontané végétal, forcément évolutif – le fameux « jardin en mouvement » cher au jardinier Gilles Clément -, la gestion sur place des eaux de pluie, des déchets (rien ne sort, tout se transforme, comme ces ronces qui ont quitté les abords du lavoir de Traon Nevez pour nourrir et décompacter le sol), l’installation de pyramides de cultures, de haies sèches ou haies de Benje, la prise en compte des insectes et auxiliaires, le jardin devenant également un poste d’observation animalière. Enfin la volonté de transmettre la dynamique impulsée à d’autres forces vives humaines, l’esprit collectif restant la priorité de l’équipe de Traon Nevez.

Entretien estival avec Maxime expliquant sa démarche

Depuis les débuts de son aventure, Maxime tient un carnet de bord fort bien documenté et partagé sur son compte Instagram (https://www.instagram.com/club_du_vivant/), avec des écrits, des photos, des dessins, et  sur lequel il consigne tout ce qu’il a entrepris et continue de faire, dans cette si belle collaboration avec le vivant.

Et puis l’automne s’en est venu. Et puis l’hiver. D’une saison l’autre, Maxime revient ponctuellement en ce jardin. Entre temps, il s’est installé en Ille-et-Vilaine, en tant que paysagiste naturel. Sur sa carte de visite, un blason on ne peut plus explicite associant végétal, animal et quelques mots : « Born to baie wild »!

En février dernier, nous sommes revenus à leur rencontre, Maxime et le Petit Jardin Discret des Spontanées. Ils nous y ont montré comment les végétaux se sont appropriés les lieux, « véritables petits hôtels à organismes vivants », non sans avoir fait l’éloge évidente de la lenteur et de la contemplation. Maxime mettant l’accent sur la parcimonie des gestes et des ressources fossiles : « depuis l’aménagement de cet été, un seul coup de tondeuse, soit ¾ litres d’essence sans plomb pour 3600m2 sur 6 mois. Un fauchage annuel effectué avec Maksen, un étudiant en BTS GPN de Suscinio et des zones laissées à la pousse sauvage de graminées. » Les haies sèches installées abritent moult insectes, rongeurs, hérissons, oiseaux ainsi que des graines locales amenées par des rouges-gorges, moineaux et autres petits descendants de dinosaures à plumes dont l’évocation appelle ces mots habités de Baptiste Morizot* : « Nous avons tous, nous vivants, un corps épais de temps, fait de millions d’années, tissé d’aliens familiers, et bruissants d’ancestralités disponibles ».

Ainsi va la vie en ce jardin dont la tranquillité est jusqu’à présent à peine dérangée par les visites des promeneuses et promeneurs qui franchissent toujours la première fois ses grilles – très souvent ouvertes – avec un étonnement teinté de joie paisible… et aussi quelque lecture informative à l’entrée du jardin, l’apport de graines de connaissance sur les occupants végétaux et animaux favorisant leur respect.   Car telle a toujours été la volonté de l’association et désormais celle de Maxime : que ce lieu reste accessible à toutes et tous, dans le respect de ses occupants, passagers ou plus durables, comme par exemple les quelques arbres fruitiers pour lesquels, Raymond Lachuer, expert local de la taille et membre de l’association Bretagne Vivante, est venu il y a quelques semaines partager son savoir-faire, ou encore le projet à venir de buvette estivale axé sur les plantes locales.

Le printemps est là.

« Tel un îlot d’intimité entre eux mondes, celui des grands arbres et celui des imposants Homo Sapiens. Il accueille, discrètement dressée au ras du sol, une considérable richesse de spécimens à feuilles prenant racine dans sa longue carrière de terre agricole à présent apaisée. Sol riche, sol varié, sol préservé comme un trésor enfoui que nul promeneur ne saurait deviner… Et pourtant cette véritable richesse du jardin, agrémentée par des millions d’années d’activité souterraine, par plusieurs décennies de travail en surface et surtout par une conservation minutieuse à l’état déruption végétale, ne demande qu’à s’épanouir » – Maxime Boiteux.

* « Manières d’être vivant », par Baptiste Morizot (éditions Actes Sud, collection Mondes Sauvages – Pour une nouvelle alliance, 2020).

Crédits photos : Maxime Boiteux, Marie-Annick Troadec, Laurence Mermet.




Dans les Déferlantes de Lénaïg Jézéquel

Dans le cadre de notre série estivale de « repassage », nous publions à nouveau cet article.

Ondes océaniques soumises au déferlement bien connues en Bretagne, Les Déferlantes sont heureusement arrivées en douceur au début du printemps dernier jusqu’au centre de Morlaix. Elles ont alors pris la forme d’une librairie-café, nichée place de Viarmes, ouverte par une sirène-voyageuse qui a posé ses bagages, Lénaïg Jézéquel. Et prenant ainsi la suite du binôme Tatiana et Romain d’A la Lettre Thé, parti.e.s vers de nouvelles aventures.

Dans le sillage du roman éponyme de Claudie Gallay, Les Déferlantes de Lénaïg sont placées sous le signe de « son attachement viscéral à la nature et la puissance des éléments », comme elle le confiait lors de l’ouverture à nos confrères du Télégramme. Après ses études littéraires et artistiques en graphisme, il y eut pour Lénaïg le temps des voyages, « de la Bretagne à l’Amérique du Sud en passant par l’Australie. » Rien de surprenant à ce que son lieu propose un regard grand ouvert sur le monde à travers un large choix d’ouvrages en littérature étrangère, polar, sciences humaines, bandes dessinées, littérature jeunesse, beaux livres, revues et guides pratiques.

Les thèmes plus particulièrement mis en avant sont les sujets de société tels que la transition écologique et la protection de l’environnement, les féminismes* et genres, les questions de migrations et d’(in)hospitalité, l’exil, la diversité, la défense des droits humains, comme le précise sur son site Livre et Lecture en Bretagne. Elle est également membre de la Fédération des cafés-librairies de Bretagne.

*Des lectures de textes féministes seront faites aux Déferlantes au cours de la soirée du vendredi 26 novembre prochain, en résonance avec la journée de lutte contre les violences faites aux femmes et la semaine de sensibilisation prévue sur Morlaix. Lénaïg invite toutes et tous à lire, à venir écouter, à découvrir, à partager des textes féministes à la librairie. Pour échanger ensemble autour de cette thématique, en partenariat avec l’association La lanterne et la créatrice du podcast Breton.ne.s et féministes. Gratuit/ Ouvert à tou.te.s/ À partir de 18h30.

Les Déferlantes – 9 place de Viarmes, 29600 Morlaix. Tél: 02 56 45 54 06, ouvert du mardi au samedi, de 10 h à 18 h 30. Il est possible également d’y déguster une boisson chaude ou froide, d’acheter du thé Bio, des cartes postales et de la papeterie artisanale.

 

Les deux livres coups de cœur de Lénaïg Jézéquel

RESHKILLS/ Recycler la terre – Lucie Taïeb – La contre allée

Dans ce récit documentaire d’un genre nouveau, l’auteure interroge la représentation et la place des déchets dans nos sociétés contemporaines. En nous racontant l’histoire de Freshkills, Lucie Taïeb questionne nos modes de consommation et ce qui en découle. Pendant près d’un demi-siècle, en plein cœur de New York, cette décharge à ciel ouvert fût l’une des plus grandes du monde, allant jusqu’à traiter 29000 tonnes de déchets par jour. Aujourd’hui ce site, comme d’autres avant lui, a été transformé en un parc verdoyant. Quel monde construisons-nous lorsque nous sortons les déchets de notre champ de vision et que nous confions à d’autres le soin de les faire disparaitre ?

PARMI LES ARBRES – Essai de vie commune – Alexis Jenni – Actes Sud

Dans ce texte à la fois poétique et philosophique, conçu comme une lente balade en forêt, Alexis Jenni nous invite à repenser notre rapport aux arbres. A travers ses expériences personnelles, ponctuées de références scientifiques, il pose la question du respect du vivant, quelle que soit sa forme. Il nous rappelle que les arbres ont leur propre manière d’être vivants et de communiquer, en interdépendance avec leur milieu. Ce nouveau texte paru dans la collection Mondes sauvages des éditons Actes sud est à nouveau une réussite et redonne aux arbres l’importance qu’ils méritent.

 

 

 

 


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Quand la littérature jeunesse raconte des histoires de nature… Regards croisés d’une libraire et d’un éditeur

En amont du Salon du Livre Jeunesse que l’équipe de la Baie des Livres consacre cette année au thème « Grandeur Nature » (notre article : https://www.eco-bretons.info/a-saint-martin-des-champs-la-nature-sinvite-en-grand-dans-les-livres-jeunesse/), le lycée de Suscinio à Morlaix accueille une table-ronde publique, dans la soirée du mercredi 23 novembre, consacrée à « La nature dans les livres jeunesse ». Elle sera animée par la libraire morlaisienne Lénaïg Jézéquel et réunira l’auteur Vincent Villeminot, parrain de cette 11ème édition, l’éditeur Xavier d’Almeida (Pocket Junior), avec une intervention de Laurence Mermet pour Eco-Bretons sur une petite enquête menée auprès des élèves, apprenti.e.s et étudiant.e.s de l’établissement quant à leur rapport à la nature et aux livres qui en parlent. Lénaïg Jézéquel et Xavier d’Almeida ont croisé leur regard averti et livré quelques souvenirs de lecture, en répondant à quelques-unes de nos interrogations sur le sujet.

Lorsque l’anthropologue Philippe Descola et l’auteur-illustrateur Alessandro Pignocchi disent et montrent en quoi « La nature (c’est-à-dire tout ce qui n’est pas nous), ça n’existe pas »*, ils portent notre attention sur l’indispensable évolution de notre rapport au vivant, nous autres humains occidentaux. Nous n’en sommes ni maîtres, ni possesseurs, ni extérieurs à lui. Et Cyril Dion d’ajouter que nous avons besoin de nouveaux imaginaires, «de nouveaux récits qui nous réenchâssent avec le vivant ».

Les livres pour la jeunesse leur emboitent-ils le pas ? Ou bien étaient-ils déjà précurseurs dans ce domaine ?

Lénaïg Jézéquel – Je ne pense pas que la littérature jeunesse ni la littérature en général soit précurseur dans ce domaine, je pense qu’elle s’inscrit dans son époque et qu’elle dit les interrogations et les mutations de notre société. Je pense que les livres ont toujours été des outils pour comprendre le monde en mouvement dans lequel nous vivons. Depuis quelques années, la question écologique prend beaucoup de place et c’est tant mieux, ENFIN! La littérature jeunesse suit donc cette tendance et publie de nombreux ouvrages autour de la nature, docs, BD, romans…

Xavier d’Almeida – Je ne crois pas que la littérature jeunesse soit en avance sur les autres. Les auteurs et les éditeurs ressentent les mouvements du monde et les interrogations de celles et ceux auxquels ils s’adressent. Il est donc logique que la littérature jeunesse traite désormais plus souvent de la nature et des questions écologiques. Les albums jeunesse et les documentaires, en particulier, se sont particulièrement lancés dans cette direction. Il y a une volonté forte de sensibiliser, et de donner aux jeunes lecteurs quelques moyens de se reconnecter à la nature. Parfois de façon un peu maladroite, ou culpabilisante, ce qui est à mon avis la pire des choses. Mais parfois aussi de façon très poétique, délicate et à leur hauteur. Les livres sur les cabanes, sur les promenades en forêt, etc. se sont multipliés, même si bien sûr il en existait déjà beaucoup. La forêt a toujours été un des lieux visités par les auteurs jeunesse, tant elle renferme de mystères et de possibilités de rêver… ou d ‘avoir peur !

En tant qu’éditeur, j’ai un regard parfois quelque peu circonspect sur le sujet. Il me semble que la littérature en général, et la littérature jeunesse en particulier, développe une sorte de schizophrénie sur ces questions. Sur ces thématiques, il n’y a bien sûr rien à redire, toute tentative de se reconnecter à la nature, d’en prendre soin, ou d’alerter, maladroite ou réussie, est louable. En revanche, l’industrie dans son ensemble est peu écologique. Ma fille lisait récemment un documentaire passionnant sur les espèces en voie d’extinction… imprimé en Chine. La plupart des albums à la fabrication complexe, et une immense partie des albums « simples » sont aussi imprimés en Asie et présentent donc un impact carbone énorme, qui à mon sens annule le message qu’ils portent.

Quant aux romans, dans notre époque où les coûts de stockage notamment sont au cœur de l’économie du livre, on pilonne à tout-va avant de réimprimer si besoin, pour un gâchis de papier et d’énergie colossal et absurde. Les labels FSC et autres semblent autant de pansements bien légers pour colmater ces plaies-là.

La littérature jeunesse est une industrie, lourde, et a donc l’impact de toute industrie de cette échelle. La surproduction et le gâchis qui en découlent est un vrai problème. Beaucoup tentent de réduire la production, mais quels romans, quels premiers romans, et quels auteurs doivent être sacrifiés pour limiter le nombre de romans publiés ? Sans parler des pertes d’emploi si une réduction drastique de la production devait se faire ? La littérature n’échappe pas aux questions qui se posent pour tous les secteurs industriels. Et d’une certaine manière, tant mieux, car elle est donc connectée au monde.

De manière plus générale, quelle évolution voyez-vous depuis ces dernières années dans la façon dont les livres jeunesse parlent de la nature ?

Lénaïg Jézéquel – La nature est devenue un sujet à part entière en littérature, essais, docs, j’ai même des rayons spécialisés à la librairie, c’est dire! J’espère juste que ce n’est pas qu’une mode et que cela représente une vraie envie de se reconnecter au vivant et à notre environnement. Cela permet au moins d’abord le sujet dès le plus jeune âge à travers les livres, ce qui est fondamental.

Xavier d’Almeida – La nature est devenue un sujet de livre jeunesse, à l’image du mouvement global de prise de conscience qui traverse une partie de notre société. C’est parfois opportuniste, comme toute mode. Mais on constate aussi que de nombreux auteurs et illustrateurs jouent de plus en plus avec le vivant proche d’eux, essayent de proposer une meilleure connaissance et compréhension du vivant, une vision d’un monde plus harmonieux entre les espèces.

Avez-vous un souvenir d’enfant d’un livre qui vous a particulièrement marqué, en lien avec la nature ?

Lénaïg Jézéquel – Quand j’étais enfant et que je n’étais pas moi-même dans la nature, je dévorais le Club des 5! Le côté aventure sans doute… ? J’étais très fan aussi des copains des bois, copains des champs… qui me donnaient vraiment à vivre et à comprendre mon environnement. Depuis, l’offre en jeunesse s’est énormément développée, et donc forcément aussi les livres sur la nature, et c’est super!

Xavier d’Almeida – Tistou les pouces verts a été une révélation, tant dans la langue, qui se prête parfaitement à l’oralité, que dans les thématiques abordées, très écologiques. J’ai ressenti un immense plaisir en le lisant 30 ans plus tard (et récemment) à mes filles, tant il offre de poésie et provoque une foule de questions. Mais mon gros choc de nature, qui a conditionné une grande partie de mes lectures d’adulte et mon envie m’y perdre régulièrement et de tenter de la lire au mieux fut bien sûr L’appel de la forêt, un livre qui m’a plus que bouleversé.

Quel est votre dernier coup de cœur, parmi les livres jeunesse nature ?

Lénaïg Jézéquel – Là où le feu est l’ours de Corinne Morel-Darleux, l’histoire d’une femme qui entretient une relation fusionnelle avec un bébé ours, et qui, suite à une catastrophe cherche une oasis où fonder une communauté, très beau!

Xavier d’Almeida – Il y en a beaucoup, mais je n’aime pas l’étiquette de « livre nature ». Les messages passent beaucoup mieux quand ils sont inclus dans une histoire, de façon discrète, quand ce n’est pas LE thème principal. Cela vaut pour tous les messages importants. La littérature doit d’abord nous raconter des histoires. En album, j’ai été vraiment secoué par Le jour où le grand chêne est tombé, de Gauthier David et Marie Caudry, qui raconte cette association de toutes les créatures, animales et humaines, domestiques et sauvages, pour redresser le grand chêne qui était leur univers et leur raison d’être. Kiwy Grizzly aussi, du même Gauthier David, dans lequel les enfants vont se perdre en forêt et se transforment en animaux des bois, est aussi remarquable, dans son exploration de la forêt et son humour. Jefferson, de Jean-Claude Mourlevat, nous parle aussi de notre rapport aux animaux et donc à la nature, de façon très fine et finalement assez engagée. J’ai été aussi très secoué par le travail de François Place, et notamment par Les derniers géants, qui évoque bien sûr la disparition d’un paradis caché par la faute d’un européen avide de connaissance…

Mais bien sûr, celui qui m’a le plus secoué récemment, parce qu’au cours de ces nombreuses années de travail commun, il m’a emmené assez loin, c’est le travail de Vincent Villeminot. J’y ai particulièrement aimé cette forêt presque organique qui traverse son œuvre, notamment Nous sommes l’étincelle et Comme des sauvages. Cette forêt qui vous enserre, qui vous accueille, qui vous cache, et que vous ne quittez finalement plus puisqu’elle constitue peu à peu un univers tout entier, continue de page en page comme d’arbre en arbre. Ceux que parcourent les personnages de Nous sommes l’étincelles de leur sécession à leur mort.

* https://www.blast-info.fr/emissions/2022/la-nature-nexiste-pas-avec-alessandro-pignocchi-et-philippe-descola-BrBTCtrDRki1mkYFEii79Q




A Saint-Martin-des-Champs, la nature s’invite en grand… dans les livres jeunesse

« Quand j’étais petit… combien d’entre nous voient surgir des souvenirs de cabanes, de nature et d’insectes ? De fugues dans les bois, de plage, de bruits et d’odeurs ? Et pour nos enfants, ça se passe comment ? Alors que la biodiversité est en danger, faisons la part belle à cette Nature vivace, jungle urbaine ou refuge campagnard, redécouvrons-la en suivant les pages, interrogeons-nous sur comment les livres peuvent l’exprimer… »

C’est par ces mots évocateurs que la dynamique équipe de la Baie des livres nous invite à la 11ème édition de son Salon du livre Jeunesse du Pays de Morlaix qui se déroulera au Roudour de Saint-Martin-des-Champs, le week-end du 26-27 novembre, autour du thème « Grandeur Nature ».

Cette année, elle a donné carte blanche à Vincent Villeminot, auteur habité de nombreux romans pour la jeunesse, qu’il embarque dans ses univers aussi bien fantastiques que d’anticipation. Le Prix du Roman d’Écologie 2020 lui a été décerné pour « Nous sommes l’étincelle », paru aux éditions Pocket jeunesse.

A propos de la vingtaine d’auteur.e.s qu’il a convié.e.s autour de lui (découvrez-les toutes et tous sur le site : http://www.labaiedeslivres.com/), Vincent Villeminot dit joliment: « j’ai essayé de composer ce « plateau » d’amis, d’amies, de collègues, en essayant qu’il y ait des Bretons, de naissance ou d’adoption, en français comme bretonnant, et des gens d’ailleurs… Comme nous allons parler de nature, j’ai voulu que s’y retrouvent des gens qui vivent dans la forêt, la campagne, la ville, au bord de la mer ou d’une rue, pour que leurs livres disent quelque chose de cette profusion de rapports, de contemplations, d’usages, de travail dans et avec la nature. »

Et la Baie des livres de préciser : «ses invités vont plaire à tous : illustrateurs, auteurs, pour les petits mais aussi pour les adultes.nous avons invité bien sûr des brittophones. Artistes, médiathèques, libraires partenaires, bénévoles, jeunes et grand public, tous ont rendez-vous pour les dédicaces, spectacles et animations, pour partager le plaisir de lire, de créer et de rêver. »

Parmi les nombreux partenaires du territoire associés à l’événement, des établissements scolaires trouvent tout naturellement leur place. Le public pourra ainsi découvrir une exposition des créations des écoles sur le thème du salon ou sur l’univers de l’un.e des invité.e.s. Les élèves de la filière sciences et technologies de l’agronomie et du vivant ainsi que les étudiant.e.s de BTS gestion et protection de la nature du lycée agricole de Suscinio seront également de la partie, les premiers végétaliseront un espace du salon tandis que les seconds proposeront le samedi des animations consacrées aux espèces mal-aimées » en différents lieux du salon.

Nous pénétrerons aussi dans une Forêt participative, avec sa « salle branche » d’où surgiront de « grands arbres et petits peuples », par la grâce de l’imagination créative des classes, des auteurs et illustrateurs invité.e.s, tandis que les enfants pourront s’initier à la calligraphie avec l’artiste Mohammed Idali, à partir de leurs mots sur la nature..

En amont du salon, une table-ronde consacrée à la nature dans la littérature jeunesse, ouverte à tout public (lycéens et adultes), se déroulera mercredi 23 novembre (19h45-22 h) dans l’amphithéâtre du lycée Suscinio à Morlaix. Y interviendront : Vincent Villeminot (auteur), Xavier d’Almeida (directeur de collection aux éditions Pocket Jeunesse), Lenaig Jézéquel (libraire indépendante), Laurence Mermet (présidente d’Eco-Bretons/ enseignante d’éducation socioculturelle).

Et pour prendre connaissance du programme foisonnant des deux jours du Salon, c’est par ici :

http://www.labaiedeslivres.com/wp-content/uploads/2022/11/Programme-BDL-2022.pdf

https://www.facebook.com/LaBaieDesLivres