Bocage en Bretagne : la fin d’un paysage ? Rencontre à Lorient avec Splann!

La Médiathèque de Lorient invite Nolwenn Weiler, journaliste du média associatif breton d’investigation Splann – Lanceur d’enquêtes, pour aborder ce sujet toujours très sensible de la disparition du bocage. Il s’agit aussi de s’interroger sur comment mener une enquête journalistique indépendante aujourd’hui. Qu’est-ce que le journalisme d’investigation ? Quels en sont les enjeux ? Comment mène-t-on une enquête sur le terrain ?

Face à l’urgence climatique et à l’effondrement de la biodiversité, les talus et les haies du Nord-Ouest de la France et notamment de Bretagne sont d’une grande utilité. Les arbres et les arbustes présents dans les haies bocagères ont un rôle majeur : compensation de l’épuration, protection des cultures contre le vent et la sécheresse, prévention des inondations urbaines tout en conservant l’eau dans le sous-sol…

En dépit des idées reçues et des moyens alloués, bien après le remembrement opéré après-guerre, la destruction du bocage breton se poursuit. Il s’accélère même depuis dix ans, en lien avec la concentration du nombre d’exploitations agricoles. L’artificialisation des sols, notamment pour la construction de lotissements, ou encore le déploiement de la fibre optique, sont des facteurs aggravants. Au-delà des questions quantitatives, la qualité des haies se dégrade. Leur entretien repose presque entièrement sur les agriculteurs. Or, c’est une activité coûteuse, voire dangereuse. Jean-Luc Pichon de@eauetrivieresdebretagne2717 en dit plus ici : https://splann.org/replay/bocage-breton-la-fin-dun-paysage-lenquete-en-bref/

La rencontre avec Nolwenn Weiler se déroule vendredi 28 mars à 18h à l’auditorium de la Médiathèque de Lorient (https://www.facebook.com/mediathequesdelorient). Entrée libre dans la limite des places disponibles. Billetterie gratuite à l’accueil 1h avant. Pour enrichir la discussion, plongez dès maintenant dans l’enquête passionnante menée par les journalistes de Splann! Un travail approfondi à découvrir ici : https://splann.org/enquete/bocage

Retrouvez également Nolwenn Weiler qui présente son enquête « Bocage, la fin d’un paysage », menée avec Yann-Malo Kerbrat : https://splann.org/replay/interview-nolwenn-weiler-bocage/

https://www.facebook.com/splannenquetes

Article rédigé avec les informations de Splann! Dessin de Yann Le Sacher




Trois jours aux Champs libres de Rennes pour panser et (re)penser le monde

Nos futurs, ce sont des jeunes lycéen·nes, étudiant·es, engagé·es… accompagnés par Les Champs Libres, Sciences Po Rennes et le journal Le Monde. Ensemble, ils choisissent les sujets, invitent des personnalités, repèrent des initiatives, s’engagent et innovent.

Nos futurs proposent 16 rendez-vous Penser autrement de 45 min portés par des jeunes du territoire, ainsi que 3 grandes assemblées avec Le Monde, des ateliers, des prises de paroles,des kiosques, etc. Nos futurs est un festival des plus inspirants et stimulants s’adressant à toutes et tous, gratuit et accessible.

Dans ce programme très riche, où tout est hautement recommandable, Eco-Bretons a repéré, notamment :

Et si on écoutait les baleines ? Vendredi 21 mars à 10h30

Les baleines cristallisent plusieurs de nos enjeux de société : elles en révèlent les maux tout en nous offrant une partie des solutions face aux défis environnementaux. À la croisée de la recherche scientifique, de l’activisme environnemental et de l’art, plongez dans l’univers de ces mammifères marins, aux côtés de Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, Camille Brunel, auteur d’Éloge de la baleine, et Olivier Adam, bioacousticien spécialiste des sons des cétacés. Une rencontre proposée par des élèves du lycée Théodore Monod du Rheu  – option Agronomie-économie-territoire, et trois étudiantes de l’Institut Agro Rennes-Angers et de Sciences Po : Charlotte, Léna et Anna. Une coopération d’idées, de compétences et de points de vue pour créer une rencontre informée et inspirante, centrée sur notre rapport au vivant. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/et-si-on-ecoutait-les-baleines/19689

Écho-systèmes – Vendredi 21 mars, à partir de 12h

Voir, écouter, jouer, réfléchir, fabriquer, sentir, comprendre, s’exprimer… L’Atelier Vivant présente une  expérience relationnelle, intergénérationnelle et inclusive, autour du vivant. À travers diverses propositions artistiques, les étudiant.e.s ouvrent un espace d’échanges sur nos relations singulières à tout ce qui vit autour et en nous. Au plaisir de ce moment vivant avec vous !  L’atelier Vivant est un groupe pluridisciplinaire composé de 25 étudiants en art de l’EESAB – Rennes et Quimper et l’EUR CAPS, en design et recherche créative de l’espace public. Ils ont imaginé collectivement leurs propositions entre le quartier de la Prévalaye et Kerminy dans le Finistère, avec l’envie de réfléchir à nos relations au vivant et tenter de questionner sa place dans notre société. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/echo-systemes/19750

Un travail qui a du sens ? Vendredi 21 mars à 13h30

Faut-il trouver un travail pour être reconnu ? Peut-on changer de formation ou de travail facilement ? Comment sommes-nous accompagnés dans nos choix d’orientation ?
Une conversation pour parler de l’orientation scolaire et professionnelle – du choix des spécialités aux vœux Parcoursup, en abordant aussi les possibilités de reconversion. Avec Malek Jaouen, jeune ingénieur qui a récemment repris un CAP de charpentier, et Serge Letournel, jeune retraité, dont les activités principales ont été et sont toujours la lecture et la flânerie. Le groupe qui propose cette rencontre est composé d’étudiants ingénieurs à l’INSA de Rennes. Ils viennent tout juste d’entamer leurs études supérieures et s’interrogent sur l’accompagnement reçu lors de leurs différents choix d’orientation, les débouchés et la place que va prendre leur future vie professionnelle dans leur vie. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/un-travail-qui-a-du-sens/19682

Immobilisme écologique, comment en sortir ? Vendredi 21 mars, à 14h30

« Sauvez la planète, baissez le chauffage », « Ce n’est pas rentable, l’écologie », « L’État fait l’autruche ». A force de se renvoyer la faute, l’urgence ne fait que s’accroître…ainsi se crée le triangle de l’inaction. Pour réfléchir et agir ensemble, il est nécessaire d’interroger les échelles de pouvoirs. Avec Léna Lazare, activiste et membre des Soulèvements de la Terre, Nathanaël Wallenhorst, enseignant-chercheur spécialiste de l’Anthropocène et Léonard Dermarkarian,chargé de plaidoyer pour l’association Quotaclimat. Nina, Ewen, Gwenaëlle et Baptiste, étudient en BUT Carrières sociales, parcours animation sociale et socioculturelle, à Rennes. Ensemble, ils ont choisi de concevoir et de présenter une conférence sur l’écologie et la transformation sociale qu’elle engendre. Cette rencontre a été organisée avec l’Université de Rennes. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/immobilisme-ecologique-comment-en-sortir/19696

– La culture du prendre soin dans un collectif – Vendredi 21 mars à 15h

« Prendre soin » est un engagement conscient envers soi-même, les autres et l’environnement. C’est une responsabilité collective et individuelle de nourrir et préserver ce qui nous entoure, créant ainsi un cadre de bien-être et de respect. Retour sur l’expérience du Parallèle, tiers-lieu ressource pour les jeunes adultes en pays de Redon, où cette pratique est développée, et sur les enjeux et les difficultés rencontrés par la jeunesse en milieu rural, en discussion avec Eric Le Grand, sociologue et coordinateur de la Chaire de recherche sur la jeunesse à l’EHESP – Ecole des hautes études en santé publique. Les contributeurices du Parallèle créent ensemble : iels imaginent l’espace, la programmation et tout ce qui fait vivre ce lieu. Leur parcours de vie respectif et les rencontres au sein du lieu les poussent à mettre le « Prendre Soin » au cœur de leurs valeurs. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/la-culture-du-prendre-soin-dans-un-collectif/19688

Environnement : faut-il faire peur, désobéir, donner envie ? Vendredi 21 mars à 18h30

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, faire appel à la raison ne suffit pas. Preuve en est l’absence de changements malgré les recommandations répétées des scientifiques sur le climat et la biodiversité. Quelles sont les émotions à mobiliser pour susciter le passage à l’action ? La joie, au risque de ne pas prendre le sujet assez au sérieux ? La peur, au risque de tétaniser ? La violence, au risque de se mettre hors la loi et d’effrayer ? Ou encore le désir, l’humour ? Pour creuser ces pistes avec vous : le cinéaste Cyril Dion, les activistes Mathilde Caillard (MC danse pour le climat), Pauline Boyer (Greenpeace) et Léna Lazare (Les soulèvements de la terre) et le journaliste du Monde Nabil Wakim (auteur du podcast Chaleur humaine). Le Groupe Ouest, lieu pour la fabrique de récits en Europe, implanté dans le Finistère, a accueilli 8 jeunes dans le cadre d’une résidence en février. Retrouvez leur création collective durant les grandes assemblées avec Le Monde. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/environnement-faut-il-faire-peur-desobeir-donner-envie/19702

– Nos Histoires, nos mots, notre pouvoir – Samedi 22 mars à 17h15

Comment prendre la place quand la société nous marginalise ? Dans quelles conditions les personnes racisées – désignées ainsi car susceptibles d’être victimes de discriminations – peuvent transformer la marginalité en puissance ?  L’art oratoire devient un outil pour reprendre place, guérir et créer de nouvelles opportunités. Avec Gaetan Zhang, président de Génération Panasiatique, Ikrame Mokdad et Ludovic Babas, formateurs en art oratoire. Ludovic Babas est formateur en art oratoire et fondateur de Mazynasyon, un projet soutenu par la Fondation de France, qui mobilise les jeunes de l’Océan Indien pour reprendre leur pouvoir d’agir. À travers la parole, il transforme le silence en force et les doutes en opportunités. Son objectif : que celles et ceux qui se sentent oubliés reprennent confiance, osent rêver, et construisent des chemins nouveaux. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/nos-histoires-nos-mots-notre-pouvoir/19710

– Repenser le monde en marchant – Dimanche 23 mars à 14h

De jeunes Français, Islandais et réfugiés vénézuéliens, sont partis marcher et bivouaquer dans les Highlands islandais pour questionner leurs sentiers introspectifs. De retour, ils témoignent de cette expérience à travers un ouvrage collectif, une série de podcasts, des photos et une vidéo. Notre lien à la nature n’est-il pas le fil à recoudre pour se construire ? UTI est une production de la compagnie à l’envers et ERASMUS +
par Julie Seiller avec Erick Deroost ; Jean-marie Oriot ; Keur Eskemm ; Josep Gislason
livre guidé par Alexandre Patureau Wild Bretagne et Léon Schiffer
podcasts radio : Alice Lepage
photos et vidéo : Erick Deroost
Partenaires : Keur Eskemm ; Le Théâtre La Paillette ; Au bout du plongeoir ; le 4 bis ; Les Champs Libres ; Hafnarfjörður ; radio TV RUV ; UTIVIST https://www.leschampslibres.fr/au-programme/repenser-le-monde-en-marchant-uti/19713

– Nos boutures seront la rupture ! Dimanche 23 mars à partir de 14h

Comment nourrir la ville de demain ? Et si multiplier les jardins collectifs dans les villes permettait d’atteindre l’autonomie alimentaire des quartiers et de recréer du lien social ? Atelier proposé par l’association étudiante de jardins partagés de l’Université de Rennes, Plantafac.

– Simulation de la COP Biodiversité – Dimanche 23 mars à 14 h

Alors que 73 % des espèces ont disparu depuis 1950, l’urgence d’agir en faveur de la biodiversité s’impose dans tous les cas à nous. Participez à une simulation de la COP Biodiversité et incarnez un négociateur, chef d’État ou lobbyiste pour découvrir la complexité des négociations. Pas besoin de connaissance ou compétence préalable ! Klara, Candice et Clarisse, sont étudiantes en école d’ingénieur en environnement – UniLaSalle et membres de l’association COP Trotter, qui fédère les étudiants autour des enjeux climatiques. Atelier sur inscription au 02.23.40.66.00

Troisième nature – Grégoire Eloy (expo photos) : jusqu’au 21 septembre 2025

Des glaciers des Pyrénées à l’estran du Finistère, l’exposition présente l’exploration photographique de paysages géologiques, forestiers et marins, menée par le photographe Grégoire Eloy au cours des dix dernières années.
En grimpant au glacier à ski, en passant la nuit en forêt ou en plongeant avec son appareil photo, Grégoire Eloy nous partage une expérience immersive du paysage naturel, vécue comme un rite initiatique. Une façon pour le photographe de rentrer dans l’intimité du paysage.
Au croisement du documentaire et de l’expérimentation, le travail de Grégoire Eloy mélange les échelles (de la photo satellite au microscope à balayage) et les techniques (photographie documentaire, photogrammes, cartographie, imagerie scientifique…). En dialogue avec des scientifiques de la matière et du vivant, il tente de comprendre la formation et l’évolution de la matière et de notre environnement. https://www.leschampslibres.fr/au-programme/autres-mondes-gregoire-eloy

Programme complet : https://www.leschampslibres.fr/au-programme/nos-futurs-2025/toute-la-programmation-nos-futurs-2025

Brochure :  https://www.leschampslibres.fr/media/gallery/pdfs/programme/temps-forts/nos-futurs/2025/prog-nos-futurs-2025-285×435-bat-hd.pdf




Poétique des îles, entre Bretagne et Islande

Ayant exploré ensemble depuis des années, l’île bretonne de Carn puis l’île volcanique islandaise de Surtsey auxquels il et elle ont consacré deux ouvrages, le photographe Hervé Jézéquel et l’ethnographe Vanessa Doutreleau sont les invité.es de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans », dans le cadre du Printemps des poètes, qui se déroule samedi 14 et dimanche 15 mars 2025, entre Locquirec, Morlaix et Plourin-lès-Morlaix.

Il est des mystères restant insondables – c’est là toute leur force d’attraction quant aux infinies possibilités d’interprétation – comme ces appels puissants qu’envoient certains lieux à certains vivants humains. Ainsi, cela fait déjà quelques années que les îles ont appelé Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau pour les attirer jusqu’à elles. Deux îles en particulier.

Chronologiquement, il y eut d’abord l’île Carn, un îlot côtier finistérien situé sur la commune de Ploudalmézeau, dans le nord du Bas-Léon. Pour elle, Hervé Jézéquel fit appel à des contributions plurielles dont celle de Vanessa Doutreleau, croisements de regards mêlant des approches multiples de la réalité de l’île et des imaginaires à son endroit. Cela donna lieu à la publication d’un ouvrage, en 2002, par la maison stéphanoise Créaphis Editions (https://www.editions-creaphis.com/), qui se dédie aux livres de photographie, de cinéma et d’arts visuels, de sciences humaines et sociales, de littérature de non-fiction (poésie, essais, récits).

Près de deux décennies plus tard, c’est l’éphémère île volcanique islandaise de Surtsey qui devient l’héroïne d’un très beau livre que lui consacrent Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau, toujours avec Créaphis Editions. Là encore, des regards et formes de témoignages multiples sur nos rapports aux vivants en constituent la substantifique moëlle, à la saveur si poétique.

C’est précisément dans le cadre de la deuxième édition de l’événement « Il fait un temps de poésie »(lien vers le programme complet en fin d’article), consacrée à « la poésie des glaciers et des volcans », que les deux auteurs sont les invités de trois des cinq lieux artistiques organisateurs, à Locquirec, Morlaix et Plourin-lès-Morlaix, samedi 14 et dimanche 15 mars prochains.

Y sont prévues trois rencontres et dédicaces : au Cercle des écrivains de Locquirec ; à la Tannerie, lieu animé par les artistes Ximena De Leon Lucero et Gérard Rouxel ; à la galerie Ísland gérée par Pascale Thomas, laquelle accueille également une première exposition photos de Hervé Jézéquel autour de son troisième livre consacré là aussi à l’Islande, « Materia Prima », avec les contributions écrites de la critique Françoise Paviot et de la géologue Violaine Sautter. Une seconde exposition photos de Hervé Jézéquel sur l’île Surtsey aura lieu à partir du 19 juin 2025.

Et parce qu’en certaines circonstances textuelles, nul n’est besoin de se substituer à des plumes si bien habitées par leur sujet, en l’occurrence celles des deux auteurs et de l’éditeur, nous vous invitons ci-après, à les lire, à propos de leurs deux ouvrages consacrés aux îles Carn et Surtsey.

Carn, ou toutes les possibilités d’une île

Territoire de rencontres et de limites, l’île Carn est un point sur la carte situé à l’extrémité du Finistère (Bretagne). Île déserte près de la côte déchiquetée du Léon, île ou plutôt îlot apparemment banal, car semblable à tant d’autres de cette zone, qui ne dispose ni de la réputation d’Ouessant, ni de l’activité maritime de Molène, ni d’un phare prestigieux comme l’île Vierge voisine. C’est surtout une île-désir, devenue le temps d’une enquête, un catalyseur d’approches multiples réelles ou imaginaires : rencontre en bordure du temps, Carn comme lieu et forme de l’île idéale, quasi mythique.

Résultat d’une authentique approche plurielle et originale, croisant les disciplines, les domaines de l’art (la photographie) et des sciences humaines (l’archéologie, la cartographie, l’histoire, l’ethnologie, la linguistique), ce livre, à l’initiative et sous la direction d’Hervé Jézéquel, réunit les contributions de Michel Colardelle, Pierre-Roland Giot, Patrick Prado, Per Pondaven, Pierre Arzel, Vanessa Doutreleau, Michel Le Goffic, Alphonse Arzel, Olivier Levasseur, Guy Prigent, Denis Lamy, Marie-France Noël, Martin de La Soudière, Pierre Gaudin, Clément Chéroux, Xavier Charonnat, Claude Colin, Philippe Bonnin et Patrick Bramoullé.

Le livre s’interroge sur ce qu’est un lieu, et donc tout lieu possible, à travers la diversité des traces physiques et humaines rencontrées. Les réponses sont autant matérielles que symboliques, scientifiques que littéraires ou esthétiques, objectives que subjectives, de l’ordre du réel que de celui de l’imaginaire. Les contributions dessinent, élément par élément, fragment par fragment, les contours de ce qui constitue le sentiment d’appartenance au temps et à l’espace : cartographie, toponymie, travaux des hommes, mythes, légendes, récits.
Sans a priori ni hiérarchie entre mots et images, entre le scientifique et l’artistique, L’île Carn est un point d’ancrage, mais également un point de départ pour penser et aborder les îles. Quatre thèmes principaux sont successivement abordés : la préhistoire, la cartographie, la récolte du goémon, l’ethnologie. Mais, en fait, l’esprit de la collection est de croiser et multiplier les approches de spécialistes différents pour obtenir une sorte de vue kaléidoscopique : le préhistorien côtoie le sociologue, le photographe, le « toponymiste », le botaniste des algues, le navigateur, le collecteur de mémoire, le cartographe, l’écologiste… Le livre est aussi un livre sur l’imaginaire, sur les mythes (du roi Karn-Midas), sur les rêves, sur les réflexions philosophiques de Kant sur l’eau, sur toutes les représentations engendrées par cet îlot.
Les illustrations, de belles cartes anciennes ou les photographies de goémons, de ciels, de roches, de vagues contribuent à évoquer l’imaginaire de lieux apparemment ordinaires et à travers l’évolution de l’îlot, à s’interroger sur le temps qui passe et, même au-delà, sur la recherche de soi-même. « L’île Carn« , sous la direction de Hervé Jézéquel – Creaphis Editions

Surtsey ou l’impossibilité d’une île

Surtsey est une île volcanique qui a surgi entre 1963 et 1967 à une trentaine de kilomètres de la côte sud de l’Islande. Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008, libre de toute présence humaine car interdite à l’homme, c’est un laboratoire naturel et un lieu d’observation remarquables : la colonisation d’une terre par la vie végétale et animale. Une enquête passionnante sur cette histoire en train de se faire.

Depuis sa naissance, l’île Surtsey ne cesse de rétrécir, rongée par l’océan et les vents violents qui balaient ces régions de l’Atlantique nord. Sa superficie est passée de 2,65 km2 à 1,41 km2. Amenée à disparaître dans quelques décennies pour ne devenir qu’un îlot semblable au chapelet de rochers qui balisent l’archipel des îles Vestmann, Surtsey nous ramène à la fragilité des lieux et à leur perpétuelle évolution.

Les auteurs questionnent ainsi la forme d’une île et sa capacité à produire un imaginaire en relation avec un légendaire historique et littéraire en partie  » localiste  » (la Surtsey signifie « l’île de Surt », dieu de la mythologie nordique) d’une part, et un imaginaire scientifique et environnemental universel d’autre part. Le livre Surtsey, la forme d’une île joue donc sur ces deux tableaux (avec le double sens du terme  » création « ) et mêle autant les récits de l’île, réels et imaginaires, que les regards scientifiques et esthétiques d’un lieu interdit aux humains.
Au-delà de la dimension profondément poétique de l’île, il s’agit ainsi pour les auteurs de cerner la dimension humaine et sensible d’un lieu sanctuarisé, érigé en laboratoire de la création. L’histoire humaine de ce lieu n’a jamais été écrite ni même pensée, puisqu’il s’agit d’un lieu inhabité. Pourtant, une ethnographie de l’inhabité est possible du fait tant des usages scientifiques que profanes, que des représentations portées sur l’île par les Islandais, et notamment de ceux vivant sur l’île voisine d’Heimaey.
Plus encore, Surtsey interroge la notion d’appropriation d’une terre, aussi éphémère soit-elle, tant d’un point de vue physique que symbolique, et de sa mise en patrimoine. C’est aussi et surtout une relation au lieu dont il est question ici ; de l’île, objet de désir, de convoitises, de surprises, avec les hommes et femmes qui l’ont approchée, de près ou de loin, y compris les auteurs de ce livre. « Surtsey, la forme d’une île » par Vanessa Doutreleau (textes et documents), Hervé Jézéquel (photographies) – Creaphis Editions.

Vidéo : Vanessa Doutreleau et Hervé Jézéquel présentent leur projet en 2001.

Hervé Jézéquel et Vanessa Doutreleau, effectuent depuis plus de 20 ans de nombreux séjours en Islande, à l’issue desquels sont nés les expositions et ouvrages « Mémoires d’Islande » (2011) et donc, « Surtsey, la forme d’une île » (2020).

Les rendez-vous avec Vanessa Doutreleau et Hervé Jézéquel à Morlaix et alentours, dans le cadre de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans – 14 et 15 mars 2025 :

  • Vendredi 14 mars 18h/20hLe Cercle des écrivains de Locquirec accueille Ísland  // Causerie suivie d’une dédicace du livre. Mémoires d’Islande Rencontre avec Hervé Jézéquel, photographe, et Vanessa Doutreleau, ethnographe, dont l’ouvrage dresse le portrait d’objets récupérés des goélettes bretonnes ou normandes naufragées lors de la pêche « à Islande ». Leur présence dans les paysages, maisons ou musées islandais témoigne des liens tissés entre les deux peuples au siècle dernier. Salle Ti ar Vark, rue du Varq, Locquirec. Gratuit. Renseignements 0759661151 galerie.island@protonmail.com

  • Samedi 15 mars 16h/18hCauserie suivie d’une dédicace du livre Materia Prima. L’Islande est « née de la connivence des glaciers et des volcans », comme l’écrit joliment Violaine Sautter, et le regard du photographe Hervé Jézéquel rend lisible cette double matrice, dont l’Edda (récits de la mythologie nordique) donnait déjà la mesure au XIIIe siècle. A partir de 15hOuverture de l’exposition d’Hervé Jézéquel, Materia Prima, en lien avec son 3e ouvrage consacré à l’Islande. Tirages originaux issus de ce projet, exposés jusqu’au 1er juin 2025.  À partir du 19 juin, exposition photos de Surtsey, la forme d’une île en lien avec le livre du même nom. Ísland, 67 rue du Mur, MorlaixGratuit. Inscription recommandée (galerie.island@protonmail.com). Renseignements 0759661151.

  • Dimanche 16 mars 15h/17h – La Tannerie accueille Ísland – Causerie suivie d’une dédicace du livre Surtsey, la forme d’une île. Surgie de l’océan en 1963 au large de l’Islande, Surtsey est une petite île volcanique protégée. Elle devrait disparaître d’ici quelques décennies, la lave s’érodant sous les assauts des tempêtes et de l’océan. Le photographe Hervé Jézéquel et l’ethnographe Vanessa Doutreleau ont accompagné des chercheurs islandais pour dresser un portrait scientifique et poétique de ce territoire éphémère. La Tannerie, 10 rue de la Tannerie, Plourin-lès-Morlaix. Gratuit. Renseignements 0759661151 / galerie.island@protonmail.com

Programme complet de l’événement « Poésie des glaciers et des volcans » des 14, 15, 16 et 22 mars 2025 : https://galerieisland.com/pages/poesie-des-glaciers-et-des-volcans-14-15-16-et-22-mars-2025

Montage photos : crédits des images ©Hervé Jézéquel et ©Créaphis Editions.




A Morlaix, entre Argentine et Viêtnam, deux soirées au chevet du vivant menacé

Dans le cadre du Festival des Solidarités du Pays de Morlaix, qui programme depuis novembre 2024 des temps forts consacrés aux droits environnementaux des peuples, deux soirées sont proposées en clôture durant ce mois de mars 2025, autour des dégâts causés aux vivants depuis des décennies par la face très sombre de l’industrie chimique et ses entrelacs militaires et civils. Un premier volet de ce diptyque « Nos droits environnementaux/Nos corps empoisonnés », se décline avec un ciné-rencontre « Le grain et l’ivraie », le 18 mars à La Salamandre/SEW, puis avec un spectacle de Marine Bachelot Nguyen. « Nos corps empoisonnés », au Théâtre de Morlaix le 1er avril. Deux événements qui sont le fruit d’un partenariat avec Le cinéma La Salamandre/SEW, le Théâtre du Pays de Morlaix, le Lycée Agricole de Suscinio – avec son projet DRAC/KARTA Région Bretagne/Théâtre autour de l’engagement en matière d’écologie – et Eco-Bretons.

La première soirée à laquelle participeront des élèves du lycée en bac Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant/STAV ainsi que des étudiant.es en BTS gestion et protection de la nature/GPN, nous donne à voir, avec le film de Fernando Solanas « Le grain et l’ivraie », les conséquences néfastes sur les plans sociaux et environnementaux du modèle agro-industriel argentin. En plus de le dénoncer, le réalisateur nous montre qu’un autre modèle, inspiré de pratiques séculaires en harmonie avec le vivant, est possible.

Après la projection, une discussion nourrie sera animée par Eco-Bretons, avec :

  • Veronica Gomes Tomas*, juriste spécialiste en droit international de l’environnement qui allie engagement associatif et expertise juridique en France et en Argentine ;
  • Marine Bachelot-Nguyen, metteuse en scène franco-viêtnamienne de la pièce « Nos corps empoisonnés », retraçant l’histoire exemplaire de la journaliste Tran To Nga** et de son combat depuis les années 1960 auprès des victimes de l’agent orange ;
  • Rachida Collet, professeure en agronomie/biologie/écologie au lycée agricole de Suscinio qui enseigne notamment l’agro-écologie.

En interaction avec le public, ces échanges permettront de mettre en lumière une continuité dans l’utilisation de molécules chimiques de synthèse fabriquées pour tuer le vivant, que ce soit en temps de guerre, comme ce fut le cas de « l’agent orange », herbicide épandu massivement sur les sols et les populations durant la guerre du Viêtnam, entre 1962 et 1971, comme en temps de paix où la guerre aux vivants se poursuit, en Argentine comme partout ailleurs dans le monde où le « business as usual » de l’industrie agrochimique mondialisée prend le dessus sur nos intérêts communs vitaux.

« Le grain et l’ivraie » : une autre vision de l’Argentine

« Pour ces maudits haricots ( le soja), l’Argentine s’est vendue, a dépeuplé son territoire, a détruit son écosystème et a ruiné sa biodiversité »

Jorge Rulli, expert en eco-agriculture

Le documentaire « Le Grain et l’ivraie » produit et réalisé en 2017 par Fernando Solanas nous montre une autre vision de l’Argentine. Culture de soja expansive, agriculture transgénique, épandages et fumigations abondants d’agro-toxiques sur les cultures… voilà aujourd’hui le modèle de l’agro-industrie du pays. Ce modèle, bien que très productif et économique pour les grandes industries et multinationales a provoqué de nombreux effets néfastes aussi bien sur l’environnement que les populations locales. En effet, l’implantation toujours plus grande de soja transgénique a entrainé, en plus d’une déforestation massive, l’expulsion des populations aborigènes de leurs propres terres ancestrales ainsi que la destruction de leurs ressources alimentaires vitales, ce qui est contraire à la loi internationale de protection de la forêt primaire. De plus, l’épandage et les fumigations d’agro-toxiques à proximité des lieux de vie ont provoqué, en plus d’un exode rural, la multiplication de maladies respiratoires ainsi que de cancers et de malformations.

Des témoignages poignants mais aussi… des alternatives qui existent et peuvent s’appliquer

Avec une atmosphère parfois sombre, «le Grain et l’Ivraie » met en lumière les témoignages authentiques et poignants des populations locales intoxiquées, des agriculteurs ruinés par l’achat d’intrants
chimiques provenant de l’agro-industrie ainsi que des chercheurs universitaires ayant prouvé le lien entre l’utilisation de produits chimiques dans l’agriculture et le taux de maladies élevé.
Une note d’espoir vient montrer qu’une autre agriculture, écologique est possible et qu’il est possible de produire de manière saine des aliments sans pesticides pour régénérer la biodiversité perdues sans pour autant détruire des forêts primaires.

(Reprise d’un article déjà publié : https://www.eco-bretons.info/documentaire-le-grain-et-livraie-ou-voyages-chez-les-populations-intoxiquees-par-lagro-industrie-mondiale/)

La bande annonce:

Nos corps empoisonnés : L’histoire vraie d’une héroïne des temps modernes

« Nos corps empoisonnés retrace l’histoire de Tran To Nga, viêtnamienne engagée toute sa vie dans de multiples combats et plus particulièrement dénonçant les ravages de l’agent orange, un poison pour les organismes vivants, humains et pour la terre.

Jeune résistante dans le maquis pendant la guerre du Viêtnam, Tran To Nga est exposée comme des milliers d’autres civils aux épandages de l’agent orange commandé par l’Armée et le gouvernement américain aux firmes multinationales de la chimie. Depuis la France, elle poursuit aujourd’hui sa lutte en assignant devant les tribunaux une quinzaine de sociétés agro-chimiques responsables de la production de ce produit qui contamine la terre et les corps sur plusieurs générations. Son existence et ses combats s’inscrivent dans les pages de l’Histoire contemporaine, dans leur dimension politique, économique, humaine et écologique. Un crime contre le vivant, qui entre en résonance avec d’autres entreprises de dévastation passées et en cours.

Incarné et porté admirablement par la jeune comédienne Angélica-Kiyomi Tisseyre Sékiné, ce récit théâtral entrelace texte et images d’archives se tissant avec la vie de cette femme hors normes. Il raconte la vitalité de corps blessés et contaminés par les tragédies de l’Histoire, toujours en lutte et en résilience.

  • Débat- table ronde au lycée de Suscinio, mardi 18 mars à 18h avec la metteure en scène Marine Bachelot Nguyen, en partenariat avec Festisol. »

Source : https://www.theatre-du-pays-de-morlaix.fr/Nos-corps-empoisonnes.html

* https://www.eco-bretons.info/portrait-de-femme-n19-veronica-gomez-tomas-juriste-en-droit-international-de-lenvironnement/

**L’appel de Tran To Nga contre l’Agent Orange (France Inter) : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/c-est-bientot-demain/c-est-bientot-demain-du-dimanche-19-mai-2024-7524829




Dans les papiers végétaux et cartes du vivant de Laura Conill

Originaire de la région lyonnaise, Laura Conill, est une artiste-designeuse-papetière au sourire radieux, passionnée du vivant, qui s’est établie depuis quelques années en Bretagne, à Morlaix précisément. Cette diplômée en archéologie et philosophie de l’art s’est ensuite tournée vers une pratique plastique en se formant à la Haute école des arts du Rhin. « Dans ce mélange de formations, je trouve une méthodologie commune et hybride entre la recherche de récits, d’inventions d’histoires à partir de fragments et expérimentations, pour proposer d’autres modes de vie possibles », dit-elle.

Laura Conill fait de son récent lieu de vie finistérien, un terrain de découverte, d’expérimentation et de création, entre terre et mer, résolument sous le signe du lien, de là-bas – Indonésie, Vietnam, Mexique, Etats-Unis, Inde… – à ici, dans un esprit low-tech : « ma démarche évolue différemment selon le projet, pour construire des projets incrémentalistes (ndlr : qui se construisent petit à petit, par des ajouts continuels), des toiles d’araignées tissées entre personnes, lieux, matières et techniques. La création engagée est ce qui me fait voyager plusieurs mois en Asie et à Détroit à la recherche de créateur.trices impliquées dans des questions environnementales et sociales, et créer en rentrant en Alsace un collectif, avec trois autres designeuses – Chloé, Morgane et Louna – nommé Bouillons (voir encadré au bas de l’article). »

Laura n’est pas arrivée seule en Bretagne, une autre membre du collectif Bouillons, l’artiste-céramiste Morgane Lozahic à laquelle nous consacrerons également un sujet, s’est établie non loin de Morlaix, à Plougasnou. Parallèlement à leurs projets respectifs, elles travaillent ensemble et toujours avec le collectif Bouillons.

Les projets de Laura Conill se conjuguent toujours en mode collaboratif, avec les habitants humains et non-humains, avec des artistes, des associations : « à travers la coopération et la collaboration avec des métiers différents, mais aussi via le partage de savoir-faire du papier artisanal, de techniques de valorisation des rebuts de matières et du végétal, je crée des objets et des événements qui rassemblent, questionnent et sensibilisent. ».

Cartoletto ou carte-lit, carte qui se lit, carte qui nous relie aux vivants

C’est ainsi qu’en mai 2024, à la faveur d’un appel à projets de la Région Bretagne, « Aide aux jeunes artistes plasticien·ne·s en Bretagne », auquel a répondu l’association Les Moyens du bord, Laura Conill s’est installée en résidence de création aux Chiffonniers de la Joie pour un projet artistique de cartographie géante qui fait actuellement l’objet de l’exposition Cartoletto, jusqu’au 9 mai 2025, à l’espace du Roudour de Saint-Martin-des-Champs.

Sur la page de couverture du petit livret d’accompagnement de l’exposition Cartoletto, concocté par l’artiste et sobrement intitulé Cahier de terrain, s’y déplie dans tous les sens, ce mot italien : «  La carte-lit, de l’italien « carta » : carte, papier, et « letto » : lit. La carte comme une image qui se lit, la carte lue. La carte comme feuille de papier artisanal. Le lit en tamis papetier géant. Le lit comme le point d’ancrage d’un lieu de vie. Le lit de la rivière de Morlaix. »

A l’intérieur de ce Cahier de terrain, « des nourritures livresques et notes de carnet » où se côtoient des extraits d’ouvrages tels que « Le patrimoine culturel de la calligraphie et de l’impression du Gansu » par Yi Xumei, Liu Xiumen ou encore d’archives Archimer « Le microplancton des rivières de Morlaix et de la Penzé » de Gérard Paulmier. Et aussi des citations du philosophe Baptiste Morizot, de l’écrivaine-plasticienne Claudie Hunzinger, de l’écrivaine Juliette Rousseau… des croquis, de la rivière de Morlaix, qui accompagnent la liste des algues et plantes marines et celle des planctons et animalcules de la baie de Morlaix, ainsi qu’un lexique des couleurs végétales des pâtes à papier.

Mais faisons ensemble un petit bond en arrière, jusqu’à la genèse de ce projet.

Collaborer pour créer

Collaborer pour créer, c’est précisément le fil rouge choisi par Les Moyens du bord pour la programmation de ses événements tout au long de cette année 2025, à commencer par l’exposition Cartoletto de Laura Conill. Et cet article lui-même est le fruit d’une collaboration puisque ce sont les mots de l’artiste qui prennent maintenant le relai pour vous relater les coulisses du projet.

Cartoletto s’est imaginé en collaboration avec plusieurs acteurs du territoire pour créer des cartes d’écosystèmes, géographiques et sensibles, des cartes géantes aussi, créées en papier artisanal, qui traduisent l’histoire du lieu et de ses habitant.e.s, du vivant, dans la baie de Morlaix, en mer, et des imaginaires noués autour. « Ces grandes cartes en papier artisanal sont des cartes qui racontent, sensibilisent, informent, traduisent et sentimentent, qu’on ne peut créer qu’à plusieurs mains. »

Parmi ces acteurs : Les Chiffonniers de la joie, comme lieu de création des outils papetiers et des grandes feuilles ; Les Moyens du Bord, pour le lieu d’atelier, l’accompagnement artistique, et pour la teinture végétale du papier avec des plantes locales ; Gladenez, association de préservation du patrimoine de l’île de Batz, comme lien avec les fours à goémons et goémoniers, la récolte de laminaires et de cendres de laminaires ; l’association Traon Nevez, pour la récolte de fibres sur le site ; les deux créateurs de microscopes à plancton à Morlaix, pour l’utilisation de leur microscope afin de lire les cartes à l’eau de mer.

Le projet a été collectif et s’est articulé autour des personnes qui gravitent aux Chiffonniers de la joie. En effet, il s’agissait d’installer un atelier saisonnier de fabrique de papier artisanal, avec les personnes-ressources (équipe, bénévoles, public) et les ressources-matières des Chiffonniers. Cet atelier est une fabrique où les outils papetiers sont à l’échelle du lieu, fabriqués sur place, pour ensuite créer les cartes géantes.

A l’aide de sommiers de lits réassemblés, de grillages, mais aussi de l’atelier bois et métal des Chiffonniers, il s’agit de construire des tamis papetiers géants, et créer des grandes compositions de papier artisanal, ces grandes feuilles de papier recyclé ou végétal qui sont devenues des cartes à lire. Pour créer de telles feuilles, il y a eu tout un processus collaboratif, car la feuille nécessite d’être soulevée et balancée à plusieurs mains, dans une harmonie et une coordination des gestes, qui suit le savoir-faire papetier mais en créant des feuilles de géant.e.s. Il y avait aussi d’autres outils de création liés au papier à construire, comme une pile hollandaise. Les grandes cartes créées sont en lien avec l’écosystème de Morlaix, son contexte, ses lignes du territoires de la mer et de la terre, et ses plantes qui créent les couleurs et les fibres du projet.

Tamis géant utilisé dans le cadre d’un des ateliers de fabrication de papier que Laura anime depuis son arrivée, dans le lavoir du site de Traon-Nevez (Dourduff-en-mer/Plouézoc’h) où elle exposait également quelques-unes de ses créations de papier végétal.

Une exposition mêlant étroitement art et sciences

Il s’agissait de comprendre le territoire ensemble et voir quelles plantes de terre ou de mer locales pouvaient teinter naturellement les pâtes à papier, fabriquer des encres pour l’impression sur les cartes. La recherche prévue était aussi de prélever des échantillons d’eau de mer dans la baie de Morlaix, pour créer des feuilles à l’eau de mer, et collecter dans chaque feuille de papier formée une cartographie minuscule de cet écosystème : les planctons, les micro-plastiques, les algues récoltés : toutes non visibles à l’oeil nu. C’est avec l’organisation Plankton Planet – œuvrant pour une océanographie internationale et citoyenne dédiée au plancton – et les scientifiques de Fairscope que l’artiste a effectué ces échantillonnage d’eau de mer.

Chaque feuille assemblée avec les autres feuilles/échantillons compose ainsi une grande carte de la zone, une grande cartographie merrienne et terrienne, toujours avec les plantes tinctoriales du territoire de la baie de Morlaix. Laura Conill aimerait aussi poursuivre ses recherches entamées avec des personnes de l’île de Batz : faire du papier de laminaires, en lien avec les fours à goémons et la soude de laminaires.

Il y a plusieurs degrés, didactiques, de lecture dans les cartes créées : à parcourir du regard et y voir les détails d’espèces rencontrées, flux de migrations, villes, plantes, par des traits et formes colorées, créées avec une technique d’impression papetière et par l’impression en gravure. L’autre niveau de lecture est possible avec un microscope parcourant toute la carte, et voir la vie minuscule figée dans le papier, enserrée dans ses fibres. Les planctons sont là, visibles, comme un herbier du vivant, avec les débris d’algues, et les poussières de plastique, reflétant ainsi la globalité des prélèvements à cet instant donné.

Les compositions finales sont à parcourir avec ces deux dimensions, comme une grande carte de navigation qui aurait des mystères et trésors cachés à l’intérieur, une carte sensible aussi, qui signifie, montre à un instant T son état, et comment elle peut encore changer. Les grandes compositions sont vouées à changer de lignes de territoire dans quelques années, et donc c’est un travail vivant qui continuera dans le changement des couleurs et le rajout de pâte à papier sur les cartes. Il s’agit donc de sensibiliser par ce prisme art/science aux changements des écosystèmes, à ce qu’on doit protéger autour de nous et ce qui ne doit pas disparaître.

Laura Conill organise des ateliers d’initiation à la technique papetière, pour créer des feuilles de papier artisanal aux couleurs de saison. Par le biais d’une cueillette de plantes locales et de la technique de l’inclusion végétale, des compositions sont ainsi réalisées dans les papiers créés, en jouant sur les couleurs, tailles et épaisseurs des papiers fabriqués.

Et pour celles et ceux qui souhaitent parfaire leurs connaissances et pratiques, elle a publié en juin 2024, un livre intitulé « Faire son papier – recyclé, artisanal, végétal » (ulmer éditeur)

Interview de Laura Conill effectuée à Traon Nevez, l’été dernier :

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/faire-son-papier-recycle-artisanal-vegetal-979-cl.htm

Bouillons, Un atelier de création engagée pour le vivant

« Nous sommes Bouillons, un atelier de création engagée pour le vivant regroupant quatre designeuses-artistes. Au sein de cet atelier, nous travaillons sur les problématiques écologiques actuelles, qu’elles soient environnementales ou sociales. Nous maîtrisons des compétences

artisanales variées et complémentaires dans cet atelier : le papier artisanal, la teinture naturelle, la céramique, le tissage manuel, la couture et l’illustration. Nous investissons ces savoir-faire dans

des moments de création, de rencontres, de partage et de transmission, que nous mettons en place dans différents cadres et avec des publics variés.

Nous aimons introduire la création dans des secteurs qui ne pensent pas y être destinés, tout comme nous aimons que d’autres univers et métiers s’introduisent dans notre activité. Nous souhaitons mêler nos compétences à celles d’autres personnes d’un écosystème local.

Bouillons est aussi un atelier de production d’objets et d’idées : nous partons des rebuts de matières, mais aussi du vivant, pour créer du beau, et sensibiliser différents publics.»

www.bouillons-atelier.fr 

https://www.facebook.com/bouillons.atelier

Le site de Laura Conill : https://lauraconill.com/

https://www.facebook.com/laura.conill




Vers un territoire low-tech en Bretagne : un rapport, un film, un webinaire !

Situé à Concarneau, le Low-tech Lab est une association dont la mission est de sourcer, documenter, expérimenter, diffuser des solutions low-tech: des systèmes, des savoir-faire ou des modes d’organisations utiles, accessibles et durables, et ce grâce à des outils collaboratifs et communautaires.

Sur son site, le Low-tech Lab présente sa vision : « la pensée low-tech permet de vivre mieux avec moins. Nous en sommes convaincus. Et si elle était plus largement connue, acceptée et adaptée, elle permettrait de lutter efficacement contre les maux tant environnementaux que sociaux et sociétaux du XXIème siècle. Depuis 2013, nous faisons le constat que de nombreuses réponses low-tech existent déjà un peu partout et que les initiatives individuelles et/ou collectives émergent spontanément aux quatre coins du monde. »

En ce début d’année 2025, l’actualité du Low-tech lab est dense puisqu’il vient de diffuser rien moins qu’un rapport, un film documentaire et propose prochainement un webinaire sur ses réalisations.

Le Low-tech Lab vient donc de publier fin janvier, un rapport* sur l’expérimentation « Vers un territoire low-tech » menée pendant 18 mois sur le territoire de CCA Concarneau Cornouaille Agglomération. Celui-ci ouvre les coulisses du projet en y présentant sa genèse, son déroulement, les résultats obtenus, les enseignements tirés. Plus qu’un bilan, il sert à partager les apprentissages, nourrir la réflexion collective, inspirer d’autres territoires, créer des synergies.

« Comme toujours, ce rapport n’est pas une recette. C’est un simple ingrédient de vos futures expériences, à compléter, à transformer pour l’adapter aux spécificités de votre territoire ! », précise le Low-tech Lab, qui vient également de mettre en ligne sur youtube** un film documentaire réalisé par Corto Lassus dit Layus. Ce dernier retrace les expérimentations menées dans le cadre du projet « Vers un territoire low-tech », conduit de l’automne 2022 à l’hiver 2023. Pendant ces 18 mois, 20 structures du pays de Concarneau Cornouaille ont exploré collectivement des façons plus sobres et résilientes de produire, d’apprendre et de s’organiser. À travers les voix des participant·es, ce film plonge au cœur des défis, des réussites et des apprentissages de l’expérimentation Vers un territoire low-tech. Plus qu’un récit, il pose une question essentielle : comment ancrer la low-tech dans nos territoires pour imaginer un futur soutenable et désirable ?

Et pour celles et ceux qui ont des questions sur le projet « Vers un territoire low-tech », le Low-tech Lab organise un temps d’échange en visio le jeudi 20 février 2025 de 19h à 21h, pour plonger dans les coulisses de l’expérimentation. Un webinaire avec Quentin Mateus et Julie Mittelmann, coordinateurs du projet, qui permettra de discuter méthodologie, résultats, et perspectives d’avenir.

* Retrouvez le rapport, des fiches d’expérimentations et des photos du projet par ici:

https://lowtechlab.org/media/pages/actualites-blog/vers-un-territoire-low-tech-les-ressources-sont-disponibles/10eb5cd53f-1737628417/rapport-territoire-web-vf2.pdf?fbclid=IwY2xjawIZhHtleHRuA2FlbQIxMAABHT6kgY1r4HdsE8Yg3pfWxXJilLmfRXIwgl627AxmI05mjpbFCj-gPxPXNg_aem_3YFvkqLY3b9Zk885jtS-6g

** Vers un territoire low-tech, le film: https://www.youtube.com/watch?v=V6NE7-Br3pc

En savoir plus sur : https://www.facebook.com/lowtechlab et https://lowtechlab.org/fr

Cet article a été rédigé pour l’essentiel à partir des informations publiées par le Low-tech Lab sur ses réseaux sociaux.