Amaru: Quand la communauté s’appuie sur le tourisme pour diffuser ses richesses.

Note préliminaire à propos du tourisme.

Les 3/4 de l’humanité ne parlent jamais de «partir en vacances» ou «d’effectuer un voyage pour le plaisir, la quête de soi-même, la soif d’apprendre…” En quelques décennies,le tourisme s’est pourtant imposé comme la 1ère industrie mondiale. Et l’on ne peut pas franchement parler de business équitable en général. Pour exemple, au Bélize, les infrastructures côtières sont détenues à 90% par des sociétés américaines. Un jeu de spéculation financière débordant parfois sur les populations qui finissent souvent par être déplacées mais ceci est un autre sujet…

Trouver de l’ »authentique » au Pérou dans les alentours de la célébrissime ville-étape qu’est Cusco relève du défi: La culture y est très largement diluée au profit d’un tourisme industriel.

Le milieu montagnard est générallement plus épargné que le littoral mais il n’en est rien dans le cas de la région de Cusco…Une affluence de 3000 touristes par jour sur le Machu Picchu: Rien qu’à l’évocation de ce chiffre, on comprend ce qui a pu pousser les investisseurs à s’installer confortablement dans le paysage…

 

Vue sur les ruines du Machu Picchu

 

Mais heureusement, il reste quelques villages peuplés d’irréductibles andins qui résistent encore et toujours à l’envahisseur!

 

Amaru : la communauté où les femmes s’activent pour valoriser leurs coûtumes.

C’est au coeur des montagnes à l’est de Pisac que je pars à la rencontre d’une petite communauté qui va m’accueillir les bras grand ouverts.

Implanté dans la vallée sacrée non loin des prestigieux vestiges du Machu Picchu, le district de Pisac est connu pour son temple construit au 15è siècle par Pachacutec, 9ème empereur de la civilisation inca.

Sur la place principale du hameau, un joli marché d’artisanat que je balaye du regard sans chercher à acquérir de jolis souvenirs autrement que dans ma tête, mon dos étant devenu une bascule précise qui tique désormais sur le moindre gramme supplémentaire…

J’ai rendez-vous avec Carlos, un contact établi grâce au réseau “couchsurfing”. Dès le 1er coup d’oeil, je peux sentir l’authenticité qui émane de lui et l’échange qui va suivre ne fera que me conforter dans cette bonne vibration.

Carlos et sa compagne ont fondé une école visant à promouvoir et même à réhabiliter la langue quechua. Tous les enseignements se font dans cette langue. Le nom de l’établissement: Kusikawsay, vie heureuse en Quechua…

Jusqu’ici, au travers de mes discussions avec des quechuas j’avais perçu l’évidente difficulté qu’ils avaient à faire perdurer leurs traditions, mais je croyais leur langue épargnée. Il y avait encore 10 millions de locuteurs à ce jour dans les différents pays andins et le Pérou, son pays originel, reconnaissait par ailleurs le Quechua comme langue officielle…

Carlos va droit au but et m’expose les ombres de la situation: les jeunes du moment sont la génération charnière, celle par laquelle le trésor du language natif se perd. Mon interlocuteur se bat pour la survivance d’un trait fondamental de sa culture millénaire sans pour autant nier le caractère fonctionnel de l’espagnol. Il surfe sur l’idée de la double culture, celle qui permet de communiquer avec le plus grand nombre tout en restant fidèle à son identité profonde.

Nous nous quittons au terme d’une longue et foisonnante discussion. Que des croisements de pensées puissent être tout aussi éphémères qu’alchimiques me colle des frissons. C’est très puissant de savoir qu’on a des frères d’âme dans tous les recoins du monde.

Suerte tio, sigue la lucha, cuidate y que Dios te bendiga!”

 

L’école Kusikawsay vue du ciel (photo extraite du site web).

 

Sans me retourner – mais ensoleillée par cette rencontre si spéciale-, je poursuis mon chemin.

La seule façon d’arriver au village Amaru est de se chauffer pour entreprendre une grimpette de quelques dizaines d’heures ou de sauter dans un taxi. L’option n°2 l’emporte, moins aventureuse pour sûr mais humainement plutôt marrante car, preuve flagrante que nous sommes dans un patelin, le chauffeur est un cousin de ma future hôte, Rufina…Il me dépose sur le pas de sa porte et sort pour m’introniser auprès d’elle pendant que je m’extasie sur des constructions de terre aux accents de modernité. Dans le registre des mélanges, on n’est certainement pas la meilleure des espèces mais l’homme dispose quand même d’une belle capacité d’adaptation! On garde ce qu’on a fait de mieux par le passé, on le fusionne avec de nouvelles trouvailles, on tâtonne, on perfectionne…Bazar savant, subtil dosage…

Rufina et ses copines à tresses qui tombent jusqu’aux fesses: Un accueil de choc!

L’endroit est joli, chaleureux…Il l’est encore plus quand une quinzaine de paires de tresses laisse apparaitre un lot de petits yeux curieux dans l’encadrure de porte; Rufina s’avance vers moi, elle a le même air mutin que ses congénères et son enthousiasme me donne envie de chialer d’émotion. Elle m’invite à entrer et me voilà catapultée au beau milieu d’un cours magistral de cuisine. Un grand chef est venu exprès de Lima pour donner des tuyaux à ces dames sur d’innombrables recettes un peu “fancy trendy” qui permettent d’accomoder ans une tonalité gastronomique cochons d’inde, mais, quinoa et autres produits locaux.

En tant qu’estomac sur pattes et amatrice de bonne boustifaille, je suis vraiment contente d’arriver pile à ce moment! Et il faut dire que le climat étant vraiment peu alléchant, je ne vois pas ce qu’on pourrait faire de mieux que se remplir la panse!!

Mais revenons à la scène de l’atelier gastro s’il vous plait! Les petits bonnes femmes aux longues nattes luisantes s’affairent aux fourneaux dans une délectation contagieuse et toutes les deux minutes, elles ont un nouveau met de fin gourmet à me faire goûter; Todo bueno, je veux bien être leur cobaye pour les 50 prochaines années!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est pas tout ça mais je me rendrais bien utile quand même! Comme ces bonnes dames sont d’humeur taquine, elles me sortent de derrière les fagots une montagne de patates désydratées à éplucher: un enfer mais je ne veux pas passer pour un bleu alors je garde un air digne en m’arrachant les doigts…et d’observer du coine de l’oeil leur épatant petit ballet… Elles sont pleines de vie, si jolies dans leurs rondeurs et visages émaciés réhaussés de ces deux petits perles noires qui brillent, brillent à tout va. Chouette moment…

Ici toutes les familles possèdent une ou plusieurs “dépendances” pour recevoir des hôtes. Je serais logée chez Rufina qui est la représentante de la communauté. Elle me laisse prendre mes quartiers dans une de ses chambres et me convie à la rejoindre un peu plus tard chez elle pour faire plus ample connaissance.

À peine arrivée dans sa pièce principale, Rufina me tend un petit “flyer” présentant l’activité de tisseuse qu’elle et ses compagnonnes font découvrir aux visiteurs.

Afin que je comprenne comment elle est entrée dans l’aventure du “tourisme” rural et communautaire, toute en sourires elle déroule le fil de sa vie et l’oeil qui frise me narre son histoire. Un père qui buvait beaucoup, 8 frères et soeurs…Elle arrête l’école à 10 ans pour travailler avec ses parents et quitte la maison familiale 5 ans plus tard le jour où elle se marie.

 

La famille de Rufina.

 

Dans les années 2000, Rufina et d’autres femmes de sa communauté ont l’idée de lancer leur propre activité génératrice de revenus en invitant les voyageurs à découvrir l’héritage de leur culture ancestrale. Elles créent une association de tisseuses pour montrer et vendre leur artisanat: Un focus sur le tissage pour commencer et puis progressivement, leur domaine d’activités s’étend à la découverte des plantes qui soignent, de l’agriculture et de la gastronomie andine. Notamment, elles ne manquent jamais de servir à leurs hôtes la chicha de jora, une boisson sucrée à base de mais qui peut aussi être faiblement alccolisée quand on la laisse fermenter; Delicioso!

En 2007, elles sont contactées par Tierra de los yachars, une association péruvienne soutenue par la fondation espagnole CODESPA (ONG de développement assez généraliste puisque basée sur le principe de respect de la dignité humaine).

À partir de 2010, l’association intervient dans la communauté afin de renforcer leur organisation autour du tourisme rural et communautaire. Tierra de los yachars mène aujourd’hui le même type de mission au sein de 8 communautés de la vallée. Au total, 200 familles -ce qui revient à 2000 personnes environ- bénéficient de ces programmes.

L’objectif de l’association Tierra  est d’améliorer la qualité des activités touristiques qu’offrent les différents villages et de les faire travailler ensemble. Pour que les communautés ne deviennent pas dépendantes de l’association, une fois le travail terminé, c’est en complête autonomie qu’elles continuent d’administrer leur structure.

Un des principes-clé pour aider les communauté à se renforcer est classiquement celui de l’équité dans la distribution des bénéfices. Les effets sont parfaitement visibles: Amélioration de la qualité de vie des bénéficiaires, valorisation de leurs traditions et conservation de la variété d‘espèces vegétales disponibles sur leur territoire.

Plus précisément, Tierra de los yachars travaille sur les 3 axes suivants: la formation, l’accès au marché et l’octroi de microcrédits.

L’association a proposé aux femmes d’Amaru de parfaire leur projet en y apportant un double soutien technique et financier. Cette démarche leur a donné la possibilité de participer à différents ateliers en fonction de leurs besoins: “liderazgo” (leadership) , comptabiité-gestion (pour l’hébergement et l’accueil des visiteurs), langues, cuisine.

Pareille initiative a permis à Rufina d’apprendre à lire et écrire l’espagnol même si entre elles, les femmes continuent tout naturellement de communiquer en quechua…

L’activité de tourisme dit “vivencial” permet à la communauté de dégager des ressources complémentaires mais son économie demeure essentiellement basée sur l’agriculture et l’élevage. Parmi les cultures vivrières locales, la papa – ou pomme de terre, plus de 4000 variétés au pérou – est la star mais une place pondérante est également accordée aux fèves, maîs, haricots ou blé qui se déclinent eux aussi en différentes variétés…La règle d’or : On n’achête au marché que ce qu’on ne peut pas produire sur les terres de la communauté.

 

Toutes les remèdes sont dans le jardin de Carmen!

Dès mon arrivée, j’ai remarqué Carmen, une toute petite femme à la silhouette de jeune fille. Elle ne parle pas beaucoup mais son allure ainsi qu’un regard percutant trahissent en elle une incroyable force de vie.

 

 

La jolie Carmen au milieu de ses plantes chéries.

 

Carmen est la spécialiste des plantes médicinales. Elle me fait visiter son jardin et me montre avec plaisir toutes les ressources qu’elle utilise pour fabriquer des soins. Cataplasmes de feuilles pour désinfecter les blessures, pommades contre les coups, infusion pour la toux…Tous les remèdes sont dans le jardin de Carmen. Je lui propose de se livrer à une petite démonstration, elle se prend au jeu, toute pleine de trac et d’exaltation, le tout en quechua, de bout en bout! J’apprends que la dent de lion – communément appelée pissenlit – se dit «pili pili», Carmen me présente aussi le “michi michi”, la “ccaya ccaya” et Rufina à ses côtés traduit de temps en temps “langue de vache”, “queue de cheval” et pleins d’appellations qui titillent mon hilarité!

 

Carmen en pleine préparation de pommade.

 

 

Ici personne ne se shoote à l’aspirine; Pour chaque petit tracas, il existe une solution naturelle et on n’adopte qu’elle: tisanes de mélisse ou de camomille pour la détente, fenouil et menthe pour digérer. Pas mal de point communs avec nos recettes de grand-mère effectivement, mais il y des préparations que l’on utilise moins en occident comme les “emolientes” , boissons chaudes matinales énergisantes à base d’orge, de quinoa ou de luzerne ou encore l’infusion de muna, sorte de menthe andine utilisée pour combattre les nausées et le sorroche– le tristement fameux mal de l’altitude.

Je resterai bien plus longtemps avec cette joyeuse bande de drôlettes mais c’est le jeu ma Lucette, à peine le temps de se poser qu’il faut déjà refaire son paquetage, 6 mois ça parait long comme ça mais…il faut toujours aller de l’avant, s’habituer à d’autres sourires, d’autres tranches de vie, d’autres visages, mesdames concentré de bonheur et de courage, je n’oublierais pas les vôtres en tous cas…

Quelques femmes de la communauté avec Pilar coordinatrice de Tierra de los yachar.

 

 
Plus d’infos

Site de l’ONG Tierra de los Yachaqs: http://www.yachaqs.com/about-us/communities/amaru/

Site d’Echoway, guide d’écotourisme solidaire: http://www.echoway.org/page12.php?ct=8&py=471&li=322




Immersion dans les andes et rencontre avec une communauté native qui a su donner un second souffle à ses alliés sacrés.

Marcos le yachar, sage de la communauté.

 

Au Pérou, il existe au moins 57 groupes indigènes, ce qui représente plus de 9 millions de personnes. Les « Pueblos Originarios » tels que les Quechua et les Aymara des Andes partagent une cosmogonie riche et unique très éloignée de la vision occidentale contemporaine du monde.

Une cosmologie qui invite à se pencher pour embrasser la terre…

C’est mon intérêt pour les pratiques traditionnelles de guérison qui m’a fait venir jusqu’à lui. Ce séjour aux côtés de Marcos démarre très fort puisque nous allons d’emblée participer à un rituel ancestral célébrant les liens de l’homme avec la Terre.

Arrivés au bord d’une superbe lagune, nous déchargeons nos emplettes rapportées de la ville : sacs remplis à craquer de feuilles de coca, alcool et cigarettes, fruits, bouquets de fleurs, bougies, parfum…le complet nécessaire pour accomplir une cérémonie de remerciement à la Pacha Mama. La préparation est minutieuse: Pour commencer, nous plaçons chaque élément par pair sur une étoffe posée au centre de notre cercle. Marcos prononce à mi-voix une série d’incantations, de paroles magiques en quechua pour entrer en contact avec la terre. Il parle avec elle, lui présente les nouveaux arrivants, lui exprime sa gratitude et sa plus haute considération. Dans un silence religieux, nous faisons passer une cigarette autour du cercle et tour à tour, chacun souffle un peu de fumée sur les offrandes (le tabac est présent dans quasiment tous les rituels, il permet de chasser les mauvais esprits). Une bouteille de vin ainsi qu’un petit verre font leur entrée dans le cercle. Un à un, nous voyons le verre arriver dans nos mains, chacun boit une légère gorgée et projette le reste sur le sol (oui mais non, on n’est pas là pour picoler et puis il est14h!). Ça ne m’était jamais arrivé de littéralement trinquer avec la terre! La brise fraiche souffle à mon oreille: «tu es parfaitement à ta place. Tu fais partie du tout» et je me sens recouverte d’une force indéfinissable. En regardant autour de moi je m’aperçois qu’effectivement tout est à sa place, qu’une complète harmonie règne sur l’endroit. Marcos et Silvestre son assistant me convient à les suivre au bord de l’eau. Ils emportent avec soin le tissu refermé sur les offrandes puis déplacent quelques branches séchées, laissant apparaitre une cavité dans laquelle sont enfouis les restes d’une ancienne cérémonie. Le sac est déposé dans la «bouche de la terre» que les deux hommes recouvrent des mêmes branchages avant de s’éloigner. Ainsi se termine le rituel. Existe-t-il une métaphore plus belle pour illustrer l’intimité du lien que l’être humain est capable d’entretenir avec la terre?

 

Les rituels pour le maintien de l’harmonie entre tous.

Je découvre de l’intérieur une culture millénaire basée sur le respect de la relation sacrée qui règne entre la terre, la culture, la nourriture et la santé. La cosmovision andine est fondée sur la recherche de l’harmonie entre les éléments de la communauté comprise dans son sens large: Cela inclut la nature, les hommes et le sacré (par exemple les dieux des montagnes). Ces trois sphères, rassemblées sous le nom de «Ayllu» dépendent les unes de autres et doivent donc veiller à leur bien-être mutuel. Ce soin de la vie repose sur «l’Ayni» qu’on peut traduire par principe de réciprocité. Ainsi les andins dans leurs célébrations rituelles rendent honneur aux montagnes, à l’eau, aux plantes… Les uns se mettent au service des autres et vice et versa ce qui permet aux trois communautés d´atteindre l´équilibre et l´harmonie au sein de la terre sacrée connue sous le nom de «Pacha Mama».

Les rituels ont pour finalité de remercier les divinités pour les fruits obtenus grâce à l’agriculture. Cultiver son lopin de terre, c´est contribuer à enrichir et régénérer la Pacha locale. C´est un espace privilégié d´interaction entre les êtres vivants qui conversent, s’aident et développent une attention mutuelle.

Pour les communautés andines, le temps est circulaire. Il est directement relié aux rythmes et cycles de la lune, du soleil, du climat, de l’agriculture. De ce fait, les «crianzas» (dons, soins à la vie), rites et festivités suivent le rythme des cycles saisonniers.

 

 

Perdre la notion du temps, et vivre au rythme des éléments.

Les journées s’écoulent paisiblement à Quispillacta et se ressemblent assez.

Réveillée à 5h30 par le large sourire de Silvestre qui vient prendre des nouvelles, mon air zombifié en réponse lui glisse un imperceptible “j’aurais bien dormi plus longtemps”…Traversée du village pour rejoindre la maison de Marcos et le suivre dans ses activités : Semis de patates -2 des 4000 variétés que compte le pays dont le tubercule est originaire- . Préparation et utilisation d’explosif artisanal pour casser des pierres et monter des murets afin de séparer les parcelles (ha, l’inoubliable air mutin de Marcos à chaque retentissement!). Et bien sûr les innombrables virées sur le versant des montagnes où le yachar me montre les espèces végétales qu’il utilise à des fins médicinales.

Selon la perspective andine, tout est animé de force spirituelle, toutes les espèces ont des esprits tutélaires avec lesquelles la société humaine est reliée en permanence. On accorde beaucoup d’importance aux éléments naturels pour expliquer l’origine de certains maux. De nombreuses plantes soignent contre le très répandu «mal aere» (mauvais vent), un courant énergétique produisant un déséquilibre et donc un mal-être chez celui qui l’attrape. Souvent, les remèdes sont simples à préparer mais Marcos est rigoureux sur l’indication de la posologie (par exemple à quelle fréquence prendre telle infusion) appropriée et une même plante peut soigner plusieurs maladies. Il insiste beaucoup sur l’alimentation et la papa – pomme de terre- tient une place de choix dans ses prescriptions! Mon esprit d’occidentale note que la foi de l’individu affectée conditionne l’efficacité des traitements et le lâcher-prise aidant, je me surprends à ressentir un réel soulagement après que Marcos m’ait simplement soumis à une petite séance de purification en m’aspergeant d’eau de fleurs tout en récitant ses incantations. Le pouvoir de la «crianza», l’attention, le soin porté au vivant. L’intime liaison corps/esprit que les progrès de la médecine conventionnelle nous ont fait oublier mais qui ressurgit dans nos sociétés à l’heure où notre psyché est plus que jamais trouble, déboussolée…

Au cours de ce séjour, je passe beaucoup de temps avec la douce Ilda et son fils Jon, super berger et karatéka autodidacte de surcroit. Je les accompagne quand ils amènent les bêtes en pâture et nous marchons plus de 3 h
eures pour arriver au petit champ où broutent paisiblement les quatre
vaches de la famille. Ilda entame alors sans empressement sa ritournelle quotidienne car elle connait par cœur le moindre geste à effectuer: traire les vaches, laisser reposer le lait 1 heure à peine, puis préparer le fromage pendant que Jon s’en va gambader sur des pentes abruptes avec le troupeau de chèvres. Il est dur à suivre le petit, je m’agrippe aux eucalyptus pour ne pas glisser! Nous rentrons juste avant la tombée de la nuit parce que souvent pour ne pas dire tous les jours,c’est le moment que choisit l’orage pour éclater. S’en suit l´averse qui tourne au déluge et pendant que le tonnerre gronde, nous mangeons papas y queso (le quotidien repas patate-fromage) à la lumière du feu qui flambe et fait office de four. L’orage tonne encore quand j´entre dans mon lit, chargée de la bonne fatigue que ressentent les gens passant leurs journée dehors. «Nous on vit d’air pur!», aere puro comme dit Ilda,

Une vie simple, d’une lenteur infinie. Les éléments sont trop présents, imprévisibles et puissants pour qu’on néglige l’ordre naturel.

Une vie de labeur aussi: Joues tannées par un soleil de plomb, pieds qui vivent mal les écarts de température et craquèlent sous les sandales en pneu, corps abimés par la rigueur des tâches du quotidien. Des vies rugueuses auxquelles viennent se greffer les atteintes du monde extérieur.

Yon

 

 

Préparation du fromage

 

 

Celles qui aux fourneaux font le lien entre la nature et l’homme

 

 

Berger

 

 

Un monde rural fragilisé.

Jusque dans les années 80, les paysans vivant dans la sierra d’Ayacucho ont été particulièrement touchés par des vagues de violence politique. Comme c’est souvent le cas, les civils se sont retrouvés pris au piège d’une guerre opposant l’armée péruvienne au sentier lumineux – mouvement maoïste fondé dans la région et qualifié d’organisation terroriste par la communauté internationale – Beaucoup de paysans furent chassés de leurs terres et les guérisseurs, accusés de sorcellerie, furent persécutés.

À la même époque, le monde agricole connut l’apogée de la révolution verte jusque dans les villages les plus reculés. Impuissants, les petits producteurs ont alors assisté à la destruction de leurs parcelles familiales, c’est-à-dire de leurs seuls moyens d’existence.

Parallèlement, le changement climatique a contribué à la dégradation des conditions de vie des populations paysannes. Il suffit de mentionner que le dernier glacier de la région a disparu en 2005.

ABA, un projet de développement global crée par et pour les membres des communautés de Quispillacta.

L’association ABA nait officiellement en 1991. Parmi les 5 membres d’une fratrie originaire de Quispillacta, 2 d’entre eux, Magdalena et Marcella ont eu l’opportunité d’étudier l’agronomie. Elles se retrouvent vite en désaccord avec cet enseignement qui prône une agriculture mécanisée détruisant leurs traditions, et plus particulièrement la relation affective avec la semence et tous les éléments vivants reliés à la terre. Les 2 sœurs en arrivent au constat suivant: Envisager l’agriculture sans culture provoque la détérioration d’un processus qui a plus de 10000 ans. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les thèses de fin d’étude de Magdalena et Marcella ne plaisent pas à leurs professeurs.

Le contexte de violence politique et la modernisation agricole des années 60 pousse la fratrie à booster le potentiel de sa communauté. L’association ABA décide de relever le défi de la lutte contre l’abandon des terres. Elle se fixe pour objectif de récupérer les chacras («fermes» en espagnol) familiales de Quispillacta. Et décide bientôt de concentrer son travail sur les problèmes de désertification dûs au manque d’eau.

Renforcement des ressources naturelles…

L’équipe d’ABA est confrontée à un phénomène d’homogénéisation qui a peu à peu marginalisé les communautés paysannes et notamment leur langue, le quechua; La cosmovision d’un peuple étant directement visée, il s’agit pour l’association de la réintroduire au centre des programmes qui vont progressivement être mis en place.

ABA a tenu à monter un projet transversal et participatif. Tous les habitants de la communauté ont donc été impliqués dans les 2 principaux axes de travail que sont la lutte contre la sécheresse et la récupération de la biodiversité.

La construction de canaux d’irrigation et de lagunes artificielles a permis d’augmenter la disponibilité en eau dans le sol et d’obtenir une récupération rapide de la couverture végétale. À ce jour, 71 lagunes ont été formées et 19 nouvelles sont en cours d’élaboration. Ces lagunes ont pour fonction de remplacer les glaciers. Ce programme d’Aba est nommé «siembra y cosecha del agua» (semis et récolte de l’eau). Les membres de la communauté évoquent souvent la gestion de cette ressource naturelle comme on parlerait d’un enfant: «criar el agua con cariño y respecto», l’élever avec soin et tendresse.

 

Groupe d’hommes de la communauté travaillant à la construction d’une lagune.

 

 

 

et réaffirmation culturelle de la communauté.

Les violences visant la cosmovision andine ont également eu pour effet de discriminer tous les paysans et ceux parmi eux qui exerçaient la médecine traditionnelle furent accusés de sorcellerie. Les Yachars ont fait l’objet de persécution jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Avec lui, ABA va commencer à former de nouveaux guérisseurs par la voie ancestrale de la transmission orale: Marcos est l’un d’entre eux. Grâce à l’intervention d’ABA, il est parti faire de nombreuses retraites à Tarapoto dans la selva (forêt amazonienne) péruvienne, effectuant parfois des diètes de plusieurs mois.

Après plus de 20 ans d’un
travail holistique qui s’est décuplé dans de nombreuses communautés de la région, ABA constitue aujourd’hui un modèle de développement rural apparaissant comme une référence pour les politiques publiques. Cette reconnaissance s’est confirmée lors de la COP20 -conférence annuelle de l’ONU sur le climat- qui se déroulait en décembre dernier dans la capitale. ABA y a remporté le 1er prix environnemental de l’année dans la catégorie des bonnes pratiques face au changement climatique.

Un projet ambitieux et intelligent qui s’est montré capable de restaurer un écosystème conditionnant l’existence de communautés dont l’identité est basée sur les richesses de son environnement.

Cette expérience humaine me montre à quel point les éléments nature et culture sont interdépendants, s’absorbant l’un et l’autre parfois jusqu’à complete fusion. Et si la nature se suffit à elle-même, la culture andine nous rappelle combien nous ne pouvons pas nous passer d’elle.

 

La femme du sage.

 

 

 

Point sur la révolution verte.

Ses origines remontent aux années 40. À l’issue d’une conférence panaméricaine jetant les bases de la gouvernance mondiale d’après-guerre, la Fondation Rockefeller incite l’administration du Mexique à créer sur son territoire l’Office of Special Studies, un centre de recherche agronomique. Ces investigations seront encadrées par Henry Agard Wallace, ministre de l’agriculture sous la présidence Roosevelt mais également fondateur en 1926 de Pioneer Hi-bred, la plus grande firme mondiale de semences de maïs hybride à l’époque et qui pratique encore aujourd’hui son activité dans la plus parfaite hégémonie.

La fondation Rockfeller embauchera ensuite l’agronome Norman Borlaug (prix nobel en 1970 pour ses fameuses trouvailles…) afin d’approfondir les études au Mexique sur l’augmentation du rendement des semences et le croisement des espèces. Ces découvertes technologiques seront ensuite testées au début des années 60 au Pakistan, en Inde et aux Philippines et mèneront à la création d’un réseau de centres de recherches et banques de semences sur les 5 continents.

1960/90: l’apogée d’une révolution verte par les dollars qu’elle engrange.

L’énorme bond technologique réalisé en agriculture au cours de la période 60-90 va avoir entre autres effets:

– L’effondrement de la diversité génétique des espèces végétales.

Il aura pourtant fallu près de 10 000 ans à l’humanité pour accumuler une grande diversité de plantes comestibles, originaires pour la plupart des régions tropicales et subtropicales. Les migrations de population notamment ont amené des espèces dites alimentaires dans les pays du Nord qui jusqu’à ce jour continuent de dépendre des matériaux génétiques du Sud. Révolution biologique dès 1492, les conquistadores espagnols et portugais ramenèrent virus, germes et bactéries qui décimèrent les populations natives mais y introduisirent aussi riz, blé, canne à sucre, chevaux, vaches…Ils ramenèrent en Europe la pomme de terre, la cacahuète, tomate, mais, quinoa, tabac, coca et bien d’autres espèces…

En Europe et en Amérique du Nord, sous prétexte de développement urbain, plus qu’un style de vie l’agriculture va devenir une science et entrainer l’introduction de machines, engrais minéraux,produits phytosanitaires…De nouvelles variétés à haut rendement vont être mises au point grâce à la sélection variétale. Dans le but d’accroitre la productivité, les fondateurs de la révolution verte vont donc opter pour une uniformisation des espèces comestibles. Ils prétendront contrer cette érosion génétique par l’installation de banques de germo-plasma ainsi qu’une nouvelle génération de variétés crées en laboratoire. Pourtant, les 16 centres du Groupe Consultatif International d’Investigation Agricole (CGIAR) qui existent à l’heure actuelle se sont toujours concentrés sur un petit nombre d’espèces commerciales comme le blé, le riz et le maïs. Poussés par les donations et pressions commerciales, ils ont causé d’importantes altérations dans les habitudes alimentaires de nombreuses populations dans le monde.

En résumé, les anciennes régions d’approvisionnement de comestibles hautement diversifiés sont à ce jour inondées des semences génétiquement uniformisées qu’offre un marché international dominé par les consortiums agroalimentaires. La sécurité alimentaire de l’ensemble de l’humanité s’en trouve menacée.

– Les impacts sociaux, politiques et environnementaux découlant des réformes agraires.

«Les structures sociales coopératives du Tiers-Monde doivent être réduite en faveur d’une orientation agressive du marché.» Ces mots ont été prononcés par le président de l’Agriculture Development Council de la fondation Rockfeller. La population-cible des programmes de la révolution verte: les moyennes et grandes unités de production capables d’acheter des agents externes -semences modifiées- et produits chimiques allant de pair. Les conséquences ne se sont pas faites attendre: Destruction des structures agraires ↠ élimination des unités familiales de production ↠ exode rural ↠ augmentation de la faim.

Et l’Union Européenne dans tout ça? Soucieuse de booster sa productivité, elle va créer en 1961 la Politique d’Agriculture Commune (PAC). Initialement prévu pour stabiliser les prix et assurer la régulation des marchés, le dispositif va instaurer un système d’aides à l’exportation fonctionnant selon le mécanisme suivant: Incités à vendre à un prix inférieur à leurs couts de production, les bénéficiaires des subventions vont écouler leurs stocks -en Afrique par exemple- où ils vendront à perte ce qui va avoir pour effet d’écraser la concurrence. Les prix vont alors chuter, ce qui sera forcément fatale pour les petits producteurs locaux. Puis, ils vont remonter en flèche ce qui aura des répercussions sur toute la population locale.

Notons que cette pratique commerciale dite de «dumping agricole» est considérée comme de la concurrence déloyale et qu’elle est donc interdite…

Les organisations internationales accordent des crédits aux gouvernements pour développer une agro-industrie orientée sur l’expansion et exportation des productions agricoles primaires. En accord avec le modèle européen et nord-américain, les pays du Sud dépensent leurs rares ressources publiques en subvention pour de grosses firmes au détriment du soutien aux petites et moyennes unités de production. Les seules aides dont bénéficient ces derniers sont alors des paquets technologiques qui contribuent à la disparition des techniques ancestrales.

En 50 ans, la population agricole en France est passée de 20% à 2%.

Les années 90: Une seconde révolution, celle des biotechnologies.

Si l’on ne peut nier l’immense potentiel de la microbiologie pour la médecine et l’agriculture, les avancées récentes en ce domaine constituent une arme dangereuse une fois aux mains des multinationales de l’agrochimie.

L
es variétés hybrides à haut rendement obtenues par croisement d’espèces ont été éclipsées par des semences transgéniques obtenues au moyen de l’introduction du code génétique d’une espèce dans une autre.

Grâce à un savant système de brevetage, un petit nombre d’entreprises va bénéficier d’un monopole sur ces OGM et les produits chimiques dont ils dépendent. Détenant un droit exclusif de propriété, ces consortiums vont contraindre les agriculteurs à utiliser des semences «terminator» stériles et leur interdire de semer les graines de leurs propres récoltes.

Parallèlement,au début des années 2000, on assiste à la flambée des biocombustibles et les terres arables sont envahies de monoculture intensive de canne à sucre pour l’éthanol, soja et palme pour l’agrodiesel, le tout génétiquement modifié bien sûr.

Outre la détérioration des sols et les impacts sur la santé des producteurs (on peut citer le cas du glyfosate ou RoundUp, désherbant de synthèse crée par la firme Monsanto, récemment classé dans la catégorie des pesticides cancérigènes par l’OMS), cette nouvelle vague d’agriculture extensive détournant les denrées alimentaire de leur vocation 1ère creuse encore davantage le fossé existant entre ceux qui souffrent de la faim et ceux qui en font un business.

L’ agriculture “moderne” était censée nous nourrir tous alors comment se fait-il que le monde ait traversé une crise alimentaire majeure en 2008 ?

Les mexicains ont été les 1ers à descendre dans la rue pour protester contre l’explosion soudaine du prix du maïs (40% d’augmentation en quelques mois). Un an plus tard, l’inflation du prix des denrées alimentaire de base fera éclater des émeutes de la faim partout en Afrique.

Parmi le nombre incalculable de causes de cette crise également énergétique et financière: les agrocarburants, l’homogénéisation des habitudes alimentaires (la demande croissante en viande de la Chine par exemple), l’abandon des cultures vivrières, la volatilité des prix sur le marché international…

Autre phénomène qui gangrène aujourd’hui le monde rural, celui de la privation des terres arables: Chaque année, des millions d’hectares se retrouvent aux mains des spéculateurs, multinationales et capitaux étrangers investissant dans la monoculture, la construction d’aéroports …

La dynamique d’ accaparement des terres et de concentration foncière sévit désormais sur tous les continents.

Le combat pour faire reconnaitre l’évidence: la terre est un bien public et non une marchandise, ce combat est le même pour tous les petits producteurs du monde menacés dans leur organisation économique et sociale et dans leurs traditions millénaires.

Mais en fait la résistance n’est pas seulement l’affaire des sans terre, de via campesina ou de toute autre organisation paysanne, il s’agit du combat de tous pour tous et pour ce grand tout qu’on peut rassembler sous le nom de biodiversité: le combat des consommateurs qui se soucient de leur santé, et sans nécessairement être militant écologiste, celui de tous ceux qui ne peuvent tolérer la destruction de l’environnement, maison de l’humanité.




Comment le voyage vous met très vite sur la piste de l’essentiel.

J’accompagne Lorenzo, un camarade liménéen déjà venu en France lors d’un échange interculturel organisé par Animetisse, association bretonne d’éducation populaire. Parallèlement à son travail de traducteur, Lorenzo va profiter de notre présence dans la province de Huamanga pour tenter de me mettre en contact avec une communauté quechua; Tenter je dis bien car on n’entre pas dans la vie des andins comme on débarquerait dans un magasin de souvenirs. Depuis la conquête espagnole, le sens de l’accueil des locaux a été mis à rude épreuve par d’innombrables passages de gringos pas toujours bien intentionnés… Lorenzo se porte donc «garant» de mon intégrité morale dans cet étrange triangle relationnel et nous restons une semaine en zone urbaine avant d’obtenir l’aval des représentants de la communauté pour partir à leur rencontre.

 

Ayacucho, ville au milieu des montagnes.

 

Ayacucho, petite bourgade perchée à 2800 mètres au-dessus du niveau de la mer, je ressens les effets de l’altitude, surtout après 12 heures de bus qui grimpe, tourne sur des virages en épingle, regrimpe…On est loin désormais du rythme énervé de la capital mais un flux constant de passants aux tenues colorées bouillonne dans les rues du centre. Dans un premier temps je m’amuse à compter les clochers pour vérifier si le lieu mérite bien son appellation de ville aux 37 églises. Puis la langueur s’empare de moi, je me laisse alors inspirer par les mamies tranquillement assises sur la place principale et squatte mon bout de banc non sans un certain plaisir de ne rien faire de plus que regarder toute cette vie bouillonner autour de moi. Ce doux flottement de “peinarditude” ne saurait durer et assez vite, je m’anime pour entrer en connexion avec les gens du coin; Aussi je fonce quand Lorenzo m’invite à le suivre dans sa mission de traduction au sein d’une association locale appelée Wawa Kuna Mantaq. Il est chargé d’accompagner un couple de visiteurs allemands venus accorder une subvention à cette structure éducative créée pour venir en aide aux jeunes des quartiers populaires d’Ayacucho.

 

Mamitas tranquilitas sur la plaza de armas.

 

 

Aider la famille au travail de la terre…

 

 

 

…ou gagner sa vie en vendant des empanadas comme Élisabeth.

 

 

Une nation jeune.

Au Pérou , 42% de la population a moins de 18 ans et pourtant les dépenses publiques concernant l’éducation sont les plus basses de tout le continent. La crise économique, le chômage et la pauvreté ont généré une foule de problèmes sociaux, notamment celui du travail infantile. La région d’Ayacucho est l´une des 5 plus pauvres du pays. La majorité des enfants soutenus par la fondation Wawa Kuna Mantaq travaille -parfois dès l’âge de 5 ans- pour aider sa famille; Parmi eux, beaucoup sont aussi victimes de maltraitance et/ou d’abus sexuels…

La directrice de l’association nous embarque dans une visite détaillée du centre et nous rencontrons une cinquantaine de petits qui jouent et courent dans tous les sens, jonglant avec une énergie démente entre les activités dessin, chant ou encore préparation et vente d’une gélatine sur-sucrée rouge fluo qu’on retrouve dans toutes les «bonnes» boulangeries du pays (bonne entre guillemets, ici on oublie la baguette et le croissant frais!).

 

Les femmes et les enfants d’abord!

Le travail de l’association s’articule autour de 2 programmes:

Le 1er, «CasaDeni» (abréviation de casa des niños, ie maison des enfants) est un système de maison ouverte destinée à accueillir des enfants en situation vulnérable de 6 à 18 ans. CasaDeni est un espace de référence pour le développement personnel et l’organisation scolaire ; l’attention est portée sur les problématiques socio-économiques des familles qui bénéficient d’un suivi personnalisé en fonction de leurs difficultés.

Le 2ème programme, « CetPro » (ie centre de formation technique) se concentre sur les jeunes adultes en situation de risque et a pour finalité l’insertion professionnelle. CetPro leur propose différents apprentissages en fonction de leurs aptitudes et aspirations: entre autres, boulangerie-pâtisserie, couture et secrétariat.

Le centre (mais aussi le reste du pays) compte de nombreuses filles-mères célibataires. Elles disposent d’une cellule de soutien matériel et socio-psychologique pour élever leurs petits dans les meilleures conditions et avoir le temps d’exercer une activité professionnelle. Nous rendrons visite à l’une d’entre elles qui après avoir suivi le programme couture de Cetpro a ouvert son propre atelier de confection textile en ville. Bel exemple de réussite…

Le personnel de Wawakunamantaq est essentiellement constitué de femmes, psychologues, professeurs ou assistantes sociales. J’assiste à une réunion où elles débattent avec la directrice de l’organisation, une femme vive, juste et directe qui coordonne les discussions d’une main de maitre: les idées fusent dans une cohésion parfaite entre ces personnes qui s’investissent sans limite pour améliorer les perspective d’avenir de «la relève» d’Ayacucho. Ces 12 dernières années, le centre a accueilli près de 2400 bénéficiaires.

Activité danse au centre Wawa Kuna.

 

 

 

On entend souvent dire que les projets éducatifs «bidons» sont légions dans le monde associatif et que les fonds ont fâcheusement tendance à se perdre en cours de route…Mais pour que la critique soit constructive, il convient de ne pas éluder ce panel d’acteurs qui fournissent un effort inouïe pour l’éducation et l’épanouissement des nouvelles générations.

 

L’éducation: Fondement d’une société en bonne santé.

Laisser un gamin rêver, rire de tout, s’émerve
iller d’un rien; Éveiller sa curiosité et lui laisser la possibilité de se révéler en valorisant ses talents…Un point de départ assez simple pour monter le plan de sauvetage d’une société sur le déclin. Cette société prise dans un malaise global, qui s’interdit de penser en poésie, qui n’encourage pas la jeunesse à trouver la sagesse tout en gardant son grain de folie…Garder son âme d’enfant, et si c’était ça le défi!

Les enfants, «wawa» en quechua, sont comme les jeunes pousses que le jardinier arrose soigneusement pour les voir grandir et donner de bons fruits à la prochaine récolte.

En observant ce joyeux petit monde s’agiter dans la cour du centre Wawa kuna mantaq, un quelque chose de bien vivant scande en mon for intérieur: l’imagination, le jeu, l’innocence au pouvoir!

Et un grand bravo à tous les projets solidaires à qui est attribuée la lourde tâche d’assurer notre avenir en matière de nourriture spirituelle!

 

 Panneaux crées lors d’un atelier sur le droit des femmes et des enfants.

 




Tout juste débarquée sur le sol sud-américain et déjà un rendez-vous au Sommet…Des Peuples !

Je ne pouvais rêver mieux pour amorcer mon exploration d’initiatives citoyennes!

Contrairement aux officiels qui débattent dans leur tour de verre, la Cumbre de los Pueblos aime le plein air; Elle a pris ses quartiers au sein du parc des expositions, superbe lieu initialement crée pour accueillir l’exposition universelle de 1872. Dans une ambiance bon-enfant festivalière mais pas moins chargée de matière grise, s’enchainent 4 jours durant conférences-débats autour du partage d’expériences positives, concerts de musique trad’ engagée et présentation des trésors naturels, parfois comestibles dont recèle tout le continent!

 

Les femmes à l’honneur au contre-sommet

 

 

Rituel à la Pacha Mama

 

 

Rappelons que les bouleversements climatiques impactent en 1er lieu les pays du Sud et les populations paysannes. Et que la COP 20 a pour but de préparer l’élaboration du 1er accord mondial engageant pays industrialisés et pays en développement dans une action commune contre le réchauffement climatique.

 

Groupements citoyens en tous genres, leaders, représentants des communautés andines et amazoniennes, confédérations paysannes, syndicats des travailleurs miniers, ONG environnementales… Une foisonnante diversité de mouvements sociaux est venue des 4 coins du monde pour faire entendre sa voix dans un seul et même élan de fraternité. Pendant que les “grands patrons” de la gouvernance mondiale planchent sur la rédaction d’un brouillon d’accord non contraignant qui devra être signé à Paris en décembre 2015 (la très attendue COP21), la société civile s’active pour présenter des formes de développement qui respectent les limites et capacités régénératrices de la Terre Mère.

 

Confédération Paysanne du Pérou

 

                                                                                                        Syndicat de travailleurs miniers

 

 

Association Régionale des Peuples de la Selva Centrale

 

 

L’urgence d’agir sur les causes structurelles du changement climatique en reconsidérant les modèles de production et de développement était au centre de toutes les discussions menées par des groupes de travail participatifs.

 

Non, la société civile n’en est pas à sa 1ère tentative de faire pression sur les décideurs pour construire un projet politique universel basé sur la justice environnementale, la reconnaissance de la dette écologique, la lutte contre la marchandisation de la nature et des fonctions vitales de l’homme (avec en tête, l’eau et l’alimentation).

 

Oui, le palpitant et génant sujet des gaz à effet de serre a déjà été retourné dans tous les sens ces dernières décennies (voir encadré ci-dessous) … Seulement, rien ne nous dit que 8 États d’Amérique Latine (Colombie, Costa Rica, Équateur, Pérou, Argentine, Chili, Guatemala et Mexique) se seraient engagés à replanter 20 millions d’hectares de forêts et de terres agricoles dégradées – afin de recréer des puits de carbone naturels et ainsi lutter contre le réchauffement – lors de la conférence s’il n’y avait pas eu un brin de mobilisation citoyenne pour encourager le processus à voir le jour.

Oui sur certains points, il y a des avancées mais que faire à notre échelle quand les grandes lignes étatiques ne vont pas dans le sens du peuple, ce qui est quand même souvent le cas?

 

Quels leviers d’action pour le peuple quand la gouvernance n’est pas établie par et pour lui?

 

Les mouvements sociaux se sont forcément métamorphosés en traversant les époques: de la révolte spontanée (d’esclaves ou d’ouvriers) au processus d’institutionnalisation qu’on connait aujourd’hui, on ne peut nier l’intérêt de voir les organisations de la société civile intervenir sur la scène des négociations internationales.

Mais quel est l’impact réel des mouvements sociaux sur les décisions politiques? Ne sont-ils qu’un pion de plus sur l’échiquier dans le jeu des négociations? Leur accorde-t-on une place pour mieux les contrôler? Je m’interroge…

 

Et si le vrai contre-pouvoir, ce n’était plus de chercher à le faire tomber mais de construire en parallèle,au quotidien, conformément à ses convictions?

 

Sur les points non négociables- et il y en a!-, l’acte de désobéissance civile me semble la réponse la plus pertinente.

La Boétie avait 18 ans quand il a rédigé en 1549 son “Discours de la servitude volontaire”: “Dès l’instant qu’un peuple cesse de coopérer, l’État perd son pouvoir”.

Les mêmes notions de résistance à une autorité ou une loi illégitime seront reprises 300 ans plus tard par David Henry Thoreau dans son essai “Résistance au gouvernement civil”(renommé par la suite “la désobéissance civile”) qui inspirera notamment Gandhi et Luther King dans leur lutte pour la défense des droits civiques. Thoreau est également considéré comme un pionnier de l’écologie: il a publié en 1843 “Le Paradis à (re)conquérir” dans lequel il passe en revue les sources d’énergie possibles et renouvelables (provenant des vagues, du soleil ou du vent…).

 

Les solutions existent mais l’autorité établie rechigne à les mettre en oeuvre, alors que faire?

Que faire quand ce n’est pas une loi qui entrave notre bien-être mais plutôt l’absence de régulation et l’abandon de poste de nos gouvernants pris dans l’engrenage de la toute-puissante loi du marché?

 

Dans “Change The World Without Taking Power” (paru en anglais en 2002), le sociologue John Holloway a mis en évidence que chacun pouvait changer le monde par des actes de résistance ancrés dans le quotidien. Il appelle ça le pouvoir-action.

Cette mission incomberait aux personnes qui veulent
s’impliquer à localement pendant que les organisations de la société civile exercent leur mission de plaidoyer dans la sphère des relations internationales, dans ce village planétaire où le pouvoir consiste désormais “en la capacité à diffuser et faire adhérer à des idées” (“Contre-pouvoirs, de la société d’autorité à la démocratie d’influence”, Ludovic François et François-Bernard Huyghe, 2009).

 

Ce qui m’intéresse dans cette double réalité, ce sont les gens qui n’attendent pas qu’on leur dise quoi faire, qui n’attendront jamais que les gouvernements se bougent pour impulser le changement qu’ils veulent voir dans leur sphère d’influence. Qui les aime les suivent…Ya voy (j’arrive)!

 

En ce 10 décembre 2014, au beau milieu de la grande marche des peuples pour le climat, point de convergence de 10 000 citoyens, je me fonds dans la foule et fusionne avec la folle énergie de l’émulation collective. Et je finis par chasser mes doutes et infinies questions pour me laisser porter par ces forces vives, citoyennes, qui dans leur réalité quotidienne, font émerger les VRAIES solutions!

 

Marche des peuples : Mouvement citoyen face au changement climatique

 

 

                                                                                                                   Mouvement des sans-terres.

 

 

Ashaninkas, peuple de l’Amazonie péruvienne

 

 

La marchepasse devant la cour de justice avec une banderole réclamant vie et souveraineté

 

 

 

 

Rassemblements politiques sur le thème du climat:

50 ans de rendez-vous ratés ou l’art de prendre des accords inopérants.

 

Comment est née l’idée de réunir 195 états pour parler de la pluie et du beau temps ou plutôt de leurs causes et conséquences?

 

– Les 1ères prévisions officielles de réchauffement planétaire dateraient de 1967.

Deux scientifiques prévoyaient le doublement de la concentration de CO2 d’ici le début du 21ème siècle ainsi qu’ une élévation de la température moyenne de 2,5°.

 

– L’environnement devient une “priorité mondiale” lors de la Conférence de Stockholm en 1972 (1ère rencontre entre les dirigeants mondiaux, connue sous le nom de Sommet de la Terre et qui aura ensuite lieu tous les 10 ans). Les États y dressent le 1er plan d’action- simplement déclaratoire- de l’histoire en matière d’environnement. L’année 72 marque donc le début des politiques publiques concernant le développement durable et l’énergie.

 

– 20 ans plus tard, la Conférence de Rio donne lieu au 1er texte international relatif au changement climatique, la Convention sur le climat. Elle contient l’Agenda 21, un programme d’actions sous formes de recommandations. Cette conférence conduit également à la création d’un rendez-vous annuel, la Conférence des Parties à la Convention sur le Climat (COP en anglais).

 

– Le Protocole de Kyoto en 97 (qui entre en vigueur seulement 8 ans plus tard) marque une étape: Il fixe des objectifs avec délais pour que les États réduisent leurs émission de gaz à effets de serre.

S’il s’agit du seul traité juridiquement contraignant à ce jour, dans les faits, l’accord est trop flou pour avoir le moindre effet légal.

Le protocole n’a toujours pas été ratifié par les USA faute d’acceptation par le sénat républicain.

Et la Chine en tant que pays en développement ne s’est pas vu imposer d’objectifs chiffrés.

 

– En décembre 2009, durant la Conférence de Copenhague (COP n°15), de nombreux blocages politiques enrayent la dynamique des négociations climatiques. Kyoto avait fixé des objectifs jusqu’en 2020, Copenhague devait prévoir la suite…Pays développés et en voie de développement se renvoient la responsabilité…et on aboutit à un accord à minima non contraignant visant à réduire de moitié les GES en 2050 par rapport à 1990.Il s’agit donc d’un nouvel échec même si l’on peut saluer la mise en place du fonds vert, un instrument financier destiné à dégager 100 milliards d’euros par an à partir de 2020 pour financer l’adaptation des pays en développement aux conséquences du changement climatique.

 

– Les Accords de Durban en 2011 visent l’adoption d’un accord universel en 2015 (nouveau délai de 4 ans!). Est alors lancé un processus de travail ayant pour objectif de définir un nouveau protocole ayant force de loi dont l’adoption en 2015 devrait en permettre la mise en œuvre dès 2020.

 

– COP n°19 à Varsovie en 2013: Le processus onusien imposant l’unanimité des 196 parties pour l’adoption d’un accord, les membres de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques issue de la Conférence de Rio) retiennent une approche dite «  bottom-up  » (du bas vers le haut), permettant de fixer un niveau d’ambition minimal en laissant les pays quantifier eux-mêmes leurs objectifs nationaux.

Les pays pauvres et émergents vont disposer d’un délai pour atteindre leur pic d’émission avant de les réduire eux-aussi. C’est le cas de la Chine, qui prévoit d’atteindre son pic d’émission entre 2020 et 2025!

 

– En 2012, le Sommet de la Terre dit « Rio + 20 » permet de dresser le constat suivant: Sur 90 objectifs dits prioritaires en 1992, seulement 4 ont connu des progrès significatifs. En outre, l’objectif de réduction des émissions de gaz carbonique n’a pas connu de progrès et ceux-ci devraient doubler d’ici 2050.

 

– La prolongation du protocole de Kyoto a été actée lors de la Conférence de Doha en décembre 2012. Le Japon, la Russie et le Canada ont refusé de poursuivre leurs efforts de réduction dans un cadre ne s’appliquant pas à la Chine et aux États-Unis.

 

– La COP 20 de Lima (2014) se contente de mettre au 1er plan la nécessité d’efforts supplémentaires pour parvenir aux objectifs de maintien d
u réchauffement climatique sous la barre des 2 °C d’ici à 2100.

 

Manque de volonté politique et mutation de la “carte des polleurs”

En 1997, les pays en développement, non concernés par le protocole, comptaient pour moins d’un quart des émissions de CO2.

Aujourd’hui, ils sont à l’origine de plus de la moitié de ces rejets, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud faisant la course en tête. Si ces pays ont admis qu’ils devaient s’engager, ils refusent néanmoins de fournir plus d’efforts que les Etats-Unis.

Les Etats-Unis, plus gros pollueur au monde, ont toujours refusé de signer des objectifs de réduction chiffrés et de montrer l’exemple. Et Barack Obama, qui a les mains liées par une chambre des représentants à majorité républicaine, ne se montre pas plus entreprenant sur ce dossier.

« On assiste à un retour des intérêts nationaux court-termistes, exacerbés par la crise économique des pays développés et le besoin de financement des pays en développement »( source: Réseau Action Climat).

 

Le 12 novembre 2014, les USA et la Chine (les 2 plus gros émetteurs de CO2 dans le monde), affichent la volonté d’un accord contenant des objectifs mais se gardent encore une fois de signer quoi que ce soit de contraignant…Xi Jinping a simplement annoncé qu’il stabiliserait les émissions chinoises à partir de 2030…

 

Grosse pression pour la cop 21!

La 21è Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques qui se déroulera au Bourget entre le 30 novembre et le 11 décembre prochains est censée aboutir à un texte contraignant applicable à compter de 2020.

 

Les débats tourneront autour des objectifs suivants:

Maintenir le dérèglement climatique en deçà de 2°C d’ici la fin du siècle. Or le 5è rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) indique que si les émissions se poursuivent au rythme actuel, la hausse des températures sera plutôt de 4,8°C!

L’autre mission du sommet sera de recueillir les promesses de dons pour remplir les caisses du fonds vert…

 

Les nouveaux amis du climat!

“Tout va bien”, dixit le patron d’Engie (ex GDF-Suez), un des nombreux sponsors privés de la COP21, qui prédit que la conférence sera un succès!

 

Tout va bien, vraiment? Notons quand même que seuls 4 % de la production d’énergie du groupe sont issus de sources renouvelables. Le reste provient du gaz, du charbon – qui émet 30 % de plus de CO2 que le gaz naturel –, du nucléaire et des grands barrages, érigés notamment en Amazonie brésilienne avec des impacts sociaux et environnementaux délirants!

 

SOMOS UN RIO, NO SOLO GOTAS”

Nous sommes une rivière, pas seulement des gouttes d’eau…

 

Pour de multiples raisons*, je m’en vais donc miser sur le beau qui se construit et se protège vraiment et MAINTENANT!

 

*parce que je ne compte pas trop sur les rassemblements politiques et leurs répétitifs effets d’annonce inopérants,

ni sur toute autre amélioration prochaine pleinement consentie par les détenteurs du pouvoir,

parce que j’ai plutôt l’impression qu’ils cesseront d’agir comme les rois du monde quand ils n’auront plus le choix, quand par la force des choses, ils devront se soumettre aux irrépressibles lois de la nature,

parce que je ne veux pas finir blasée, tout simplement!

 




Pachamerica: Notes de vagabondage instructif et conscient

À la poursuite de l’espoir vert…

 

Un article liminaire dédié à la Terre, ce vaisseau dont nous les “plus de 7 milliards”, ne sommes que les humbles passagers…

Amenuisement des ressources, détérioration des sols et de la qualité de l’eau, fonte des glace, déforestation, centrales nucléaires qui pètent, poison dans nos assiettes…

On pourrait continuer l’énumération pendant des siècles de cycles lunaires sans avoir passé en revue le 1000ème de tout ce qui dysfonctionne gravement sur notre bonne vieille terre.

L’actu est brûlante: L’économie globalisée favorise un productivisme sans limites, ravage nos écosystèmes (produits chimiques, semences hybrides et OGM en tête) et génère des inégalités post-coloniales à l’échelle planétaire. Des valeurs individualistes et consuméristes qui conduisent inexorablement à la destruction des solidarités et donc à une perte d’identité accentuée par l’homogénéisation des modèles culturels.

 

Voilà ou nous en sommes, un appauvrissement des cultures, des terres agricoles autant que nos mode de vie, usages, coutumes et traditions. Un alarmant constat, une marée noire de mauvaises nouvelles qui pourrait nous faire céder à la haine – et son large choix d’actes subséquents: poser des bombes, prendre les armes…- ou au désespoir, souvent assorti d’une ordonnance bourrée de prescriptions nocives pour surmonter la dépression ou plutôt s’éteindre le cerveau.

 

Oui mais…Parallèlement, au 4 coins du monde des gens se bougent, se mobilisent pour protéger à leur échelle le fragile équilibre entre l’Homme et la nature et défendre nos droits fondamentaux à commencer par celui de vivre dans un environnement sain. 

 

Alors, pour ne plus enrager vainement contre les criminels de l’agro-pharmaco-pétroléo-n’co- industrie, mieux vaut restaurer ses capacités d’émerveillement à la vue d’un paysan qui s’adonne à la perma/polyculture et produit avant tout par amour de sa terre et non pas du profit qu’elle génère. 

 

Refusant de succomber aux affres d’une sinistrose contreproductive, j’ai choisi de partir à la rencontre de modèles qui m’inspirent et de m’entourer de gens endossant une foule d’appellations qui laissent rêveur: défricheurs du possible, artisans du libre et autres esprits sains de notre temps, tous auteurs du changement qu’ils veulent voir dans ce monde.

 

Nul besoin d’aller très loin pour satisfaire ce besoin viscéral de réenchantement, mais ça reste quand même sacrément instructif de se pencher sur les savoirs et traditions de nos voisins! Au détour d’un nombre incalculable de causettes nocturnes consistant essentiellement à boire, reboire, défaire et refaire le monde à coup de grandes tirades, il m’est arrivé d’évoquer la Pacha Mama sans pour autant saisir tous les reliefs que ces termes mythiques recouvraient. Car bien plus qu’un concept, ce respect de la terre nourricière est au cœur de la cosmovision des peuples andins depuis des milliers d’années.

 

Cette vision du monde est dorénavant consacrée par la notion de ‘’Buen Vivir’’ dont sont imprégnées les cultures des peuples autochtones de toute l’Amérique du sud et centrale. Vivre en harmonie au sein de la communauté, entre communautés et avec la nature qui est à la base de tout et dont nous ne sommes qu’une infime partie: Le Buen Vivir (Sumak Kawsay en quechua) exprime une relation avec l’environnement qui incarne l’opposé du profit et de la marchandisation. L’Équateur a été le 1er pays à reconnaitre légalement des droits à la nature en intégrant le concept de Sumak Kawsay à sa Constitution en 2008. Bien connue pour ses luttes sociales sans concession et son président indigène, la Bolivie a suivi le mouvement l’année d’après.

 

Force est de constater que les effets de la conquête espagnole et de la mondialisation sur les pays d’Amérique du Sud n’ont pas pour autant fait disparaitre leurs richesses en terme de savoirs et de ressources naturelles.

 

Curieuse de comprendre comment les peuples originels allient traditions et modernité, je suis donc partie faire un tour de l’autre coté de l’Atlantique à la découverte de pays au sein desquels une large partie- voire la majorité- de la population est indigène: Pérou, Bolivie, Équateur et Colombie. Ce périple aura pour ultime étape le Costa Rica, bien connu pour avoir basé son économie sur sa foisonnante biodiversité. Avec un net intérêt pour les modes de préservation de la diversité des espèces végétales — plus particulièrement les plantes médicinales -, je suis allée à la rencontre de communautés, hommes et associations ayant mis en place des actions concrètes pour sauvegarder leur patrimoine génétique et culturel.

 

À l’heure où les industries pharmaceutiques et agroalimentaires sont devenues 2 des plus puissants lobbies au monde, la question de savoir comment se soigner et se nourrir librement est juste cruciale.

 

Si les conventions internationales font l’apologie de la souveraineté alimentaire et de la santé publique un enjeu majeur, planter et consommer les espèces végétales de son choix relève du parcours du combattant! De l’interdiction d’utiliser des semences paysannes non inscrites au catalogue officiel au brevetage du vivant par les consorciums agro-chimiques pour fournir en nouveaux produits la médecine dite conventionnelle), on ne compte plus les restrictions à nos libertés essentielles mais heureusement, « il reste de braves gens », des résistants pour se préoccuper du devenir de la Pacha Mama: Si señor, el Buen Vivir survivra!

 

 

Itinéraire d’une enfant en quête de réenchantement.