L’agro-écologie, une réponse des territoires pour une alimentation locale, saine et de qualité

L’agro-écologie, késako ?

L’agro-écologie peut se définir comme étant un ensemble de pratiques évolutives qui permet de réconcilier l’agronomie et l’écologie. Ce concept est destiné à apporter des réponses concrètes à la « malbouffe », à l’impact environnemental d’une monoculture trop intensive, dans un contexte de gaspillage alimentaire où 50% de la nourriture consommable produite n’atteint pas l’estomac humain.
Cette pratique envisage le sol, l’eau et la vie comme un creuset permettant de cultiver et d’élever au plus près des lieux de consommations. La diversité des cultures permet d’avoir toujours une production en quantité et en qualité, l’agriculteur est impliqué comme entrepreneur de son exploitation, une démarche de ferme ouverte et de circuit court rapprochent l’exploitation agricole du consommateur, et la qualité des sols est préservées par une agriculture qui a besoin de peu ou pas d’intrants et contribue au développement de la qualité organoleptique des sols.
 

Qui sont les principaux maillons de l’agroécologie ?

Les agriculteurs, à la fois maraîchers, éleveurs, céréaliers et souvent commerçants de leur propre production, ont un rôle essentiel à jouer, ce sont eux les pilotes de leur exploitation. Les collectivités territoriales peuvent les aider en instaurant des politiques favorables aux cultures locales et aux petites entreprises.

Et le consommateur ?

Les citoyens, aussi consommateurs et contribuables souvent aidés par des associations comme les nôtres, deviennent « consomm’acteurs » en pouvant vérifier à la fois la qualité de leur alimentation et l’impact sur les territoires.
La distribution, de proximité comme certains supermarchés, mais aussi les restaurateurs redécouvrent les bienfaits de consommer et de vendre des produits issus de l’agro-écologie.
Des initiatives comme Direct et Bon contribuent à mettre en valeur cet ensemble de pratiques.
Toutes et tous sont, à leur manière, impliqué dans cette boucle vertueuse qui permet de développer des pratiques plus respectueuses de l’environnement, qui utilisent les ressources naturelles de manière optimale et pérenne, fournissent des produits locaux, de saisons et plus sains et minimisent l’impact négatif sur les territoires.
Les agriculteurs exploitants ont établi de nouvelles stratégies pour être au plus près des consommateurs à travers l’agro-tourisme, mais également de nouveaux types de distribution directe pour la restauration collective, ou à travers des réseaux de type Amap ou panier paysan. Ces stratégies privilégient les circuits courts de distribution et le contact avec le producteur.

Quid de la place de l’animal et de l’élevage ?

L’élevage est une des composantes fondamentales de l’agro-écologie, et ce depuis l’apparition de celle-ci dès la préhistoire avec la communauté nomade des chasseurs-cueilleurs qui s’est sédentarisée au fil du temps, autour de la polyculture et de l’élevage.
Cette société s’est développée peu à peu, pour connaître une phase de spécialisation durant la période d’après-guerre en France. Bien connue sous le nom de « Révolution Verte », cette spécialisation a vu se développer un modèle unique, autour d’une monoculture intensive d’un côté, d’un élevage perdant progressivement le contact avec le sol de l’autre, et la constitution d’un maillage d’acteurs éloignant le producteur du consommateur, et peu propice à la constitution de filières territoriales de haute qualité. Ce modèle monolithique ne répond aujourd’hui que partiellement aux nouvelles exigences des consommateurs, notamment à la lueur des questions posées d’une part sur l’environnement, d’autre part sur la santé des consommateurs. Il est également de plus en plus contesté en Europe à l’aune de la réforme de la Politique Agricole Commune, qui implique la nécessité pour l’agriculture française de se réinventer vers une production plus qualitative et plus territorialisée.
Car il est désormais possible de produire à coût optimisé, avec une bonne qualité, y compris dans l’élevage porcin. C’est le choix par exemple fait par l’éleveur Thierry Schweitzer : produire localement, élever les porcs sur paille (paille issue des cultures et qui retournera aux champs sous forme de fumier), respecter l’animal (à travers une démarche entreprise avec le CIWF) et transformer lui-même des produits innovants, séduisants et de grande qualité. Ce modèle est rentable, il permet à l’éleveur de vivre de son travail, quasiment sans subvention, et génère beaucoup moins d’azote et autres troubles écologiques.
Ce sont ces pratiques que nous mettons en place, en mode prototype, en Bretagne Nord, avec le soutien de la Banque Populaire et d’autres acteurs structurants comme Fleury Michon.
Green Cross travaille depuis 18 mois avec des éleveurs, vétérinaires et professionnels de la filière pour prototyper sur quelques exploitations en Bretagne Nord (6) un mode d’élevage performant économiquement, minimisant la production d’azote et générant à prix abordable une viande de qualité. Ses lignes directrices sont l’élevage sur paille, une alimentation locale et diversifiée (à hauteur de 60% de la ration), l’épandage de fumiers et non de lisiers, des animaux traités uniquement en curatif. Et ce, autour d’un cahier des charges précis correctement valorisé, et d’un travail de ferme ouverte qui rapproche le producteur de son consommateur.

Faut-il que nous bouleversions notre alimentation ?

Bouleverser, certainement pas ? La transition vers l’agro-écologie sera progressive, et elle permet aussi de retrouver le plaisir du goût. Nous le voyons bien avec notre accompagnement du prototypage d’une production porcine agro-écologique en Bretagne, les restaurateurs accomplissent des prouesses, et le consommateur redécouvre les saveurs, à moindre coût.
C’est l’occasion pour chacun de se faire plaisir, et également d’entamer comme il le souhaite une démarche du type « manger mieux, manger moins ». Par exemple en redécouvrant des morceaux auparavant délaissés (qui donnent charcuterie et pâtés de qualité), en ayant des textures retrouvées, en mangeant des poissons plus petits et non menacés issus de la pêche côtière de proximité…l’occasion aussi de se faire plaisir et de manger ce que l’on achète. Aujourd’hui 40% de la nourriture produite n’est jamais consommée. Plus on achète une nourriture saine et qui fait plaisir, plus on retrouve le plaisir de la préparer soi-même (et nous travaillons régulièrement avec des cuisiniers sur des festivals pour montrer à quel point c’est facile), plus la nourriture est effectivement consommée. C’est intéressant et pour la qualité de vie du consommateur, et pour son porte-monnaie, et pour le producteur. Une belle démarche efficace en temps de crise.


Nicolas Imbert, directeur de Green Cross France et Territoires