Lettre ouverte à Thierry Merret

Monsieur,

j’apprends par les médias que vous soutenez les actes de vandalisme dignes d’une scène de guerre civile commis dernièrement à Morlaix. Pire, “ Vous tirez votre chapeau à ceux qui l’ont fait ”. Vous ne vous contentez pas d’un soutien, vous en rajoutez en félicitant les auteurs de ce saccage de biens publics. Cela s’appelle tout simplement l’apologie de la violence.

A vrai dire, nous n’en sommes pas surpris. Vous nous avez tellement habitués à la destruction de l’environnement, à l’arasement de talus, à la pollution de l’eau et des rivages, que quelques bâtiments de plus à vos trophées ne vous font pas peur. D’ailleurs, pourquoi auriez vous peur puisque vous et vos amis, vous bénéficiez d’une impunité remarquable et remarquée ?

En fait, vous manifestez par vos actions un mépris profond des biens publics, qu’ils soient naturels ou artificiels. La puissance publique, garante de ces biens, ne vous intéresse que quand elle vous accorde subventions et autres aides particulières.

Rien ne peut justifier de tels actes, pas même les difficultés économiques que connaissent ces exploitants, difficultés qui vous incombent à vous et à votre syndicat qui encouragez les modes de productions intensives qui y conduisent. En quoi, est-ce soulager la détresse d’une corporation que d’en provoquer une encore plus grande auprès d’une autre qui remplit consciencieusement sa tâche de collecteur de l’impôt public ? En quoi se féliciter du terrible discrédit jeté sur l’ensemble d’une profession dont ces vandales se réclament ?

Non, Monsieur, violence ne fait pas loi et complicité avec la violence est déjà violence. C’est pourquoi, nous appelons la puissance publique à clairement établir les responsabilités de ces actes et de ceux qui les soutiennent. Car, si justice n’était pas rendue, alors plus aucun citoyen ne saurait accorder la moindre confiance aux institutions de notre

société. L’ Etat et ses représentants ne sauraient continuer à être faibles avec les forts et forts avec les faibles sans fissurer gravement le tissus social.

Quant à nous, Monsieur, nous ne soutenons pas comme vous les casseurs, mais celles et ceux qui en sont les victimes directes. Qu’elles sachent que nous sommes en Bretagne des centaines de milliers à reconnaître leur travail, elles et eux comptables dévoués des biens publics naturels et artificiels. Grâce à leur travail nous pouvons en jouir librement et gratuitement. En ce sens, elles et eux méritent toute notre confiance car ils sont les garants du bon fonctionnement de notre société.

Pourquoi si peu d’algues vertes à Saint-Michel-en-Grève cette année ?

Les algues vertes type ulva, ici ulva armoricana, prolifèrent deux fois au moins leur volume par jour dans de bonnes conditions de lumière, de chaleur et de nutriments. Il suffit qu’un de ces paramètres fasse défaut et la machine s’enraye. Les algues ainsi produites massivement au printemps et en été essentiellement, occupent toute la lame d’eau parce qu’elles ne vivent que flottantes, jamais fixées. Par le jeu des vents et des courants la plupart d’entre elles échouent sur les côtes. Ou elles sont ramassées, ou elles pourrissent sur place avec le danger qu’elles représentent alors avec le dégagement d’hydrogène sulfuré. Mais elles sont aussi, ce qui est délibérément ignoré par la quasi-totalité des pouvoirs publics, enfouies dans le sable par le courant et les vagues. Là, à tous les niveaux de la marée, elles disparaissent à la vue et même souvent à l’odorat. Se constituent ainsi des vasières composées d’un substrat meuble gorgé d’hydrogène sulfuré issu de la décomposition de ces algues enfouies privées de lumière. C’est dans une vasière de ce type qu’est mort le cheval à Saint-Michel-en-Grève en 2009, et qu’a été gravement intoxiqué son cavalier. Ceci est officiellement reconnu par le dernier jugement de la Cour d’Appel de Nantes. Aucune de ces zones dangereuses n’est à ce jour signalée. Il est prévu de la faire en collaboration avec Sauvegarde du Trégor sur la Lieue de Grève.

L’hiver, en l’absence de chaleur et surtout de lumière, la production cesse ou tourne au ralenti. Ne subsiste au large de la baie de Locquirec et de Saint-Michel-en-Grève qu’un stock réduit de ces algues dérivantes. C’est à partir de ce stock que redémarre la prolifération dans de bonnes conditions de lumière, de chaleur, c’est à dire à partir du printemps. C’est donc la météo de l’hiver qui détermine la production de marées vertes de l’été suivant. Hiver doux et sans tempête, à quoi rajouter un printemps ensoleillé, sont marées vertes assurées. C’est le cas en 2011. Et l’inverse cette année en 2014.

Ce n’est pas le froid qui a fragilisé le stock hivernal, comme en 2013. Ce sont les tempêtes. Comment ont-elles agi ? D’abord, l’effet des vagues au large ne se réduit pas à une agitation de surface. C’est à plusieurs mètres de profondeur, en fonction de la hauteur des vagues, que le brassage de l’eau se fait sentir. Il atteint donc les couches d’algues posées sur le fond sableux le plus souvent, les agite au point de les disloquer, de les émietter, sans qu’elles puissent se développer en l’absence de lumière, et occasionnellement de chaleur.

Ce brassage est d’autant plus efficace que ces algues sont très fragiles. De cet émiettement, on passe rapidement à la pulvérisation en trop petites cellules pour que la croissance puisse repartir au printemps.

Deuxième facteur, ce brassage n’affecte pas que les algues. Il agit directement sur les mouvements de sable et provoque un enfouissement des algues, qui en l’absence de lumière sont condamnées à pourrir et à disparaître.

Le troisième facteur agit comme le second, mais plus à partir des effets de la houle, mais de celui des rivières dont la force du courant est décuplée par les volumes d’eau issus de l’abondance des précipitations. Quand on voit les mètres d’épaisseur de vase emportés par le courant du Douron le long de son estuaire, on comprend sans mal comment ce fort courant a pénétré dans la mer et agit bien au-delà de la laisse de basse-mer en accroissant encore l’enfouissement des algues ou leur dispersion vers le large, bien au-delà de la zone d’une profondeur de 20 mètres, là où les algues ne survivent plus à cause de la moindre luminosité.

Le quatrième facteur est aussi lié au débit décuplé d’eau des rivières parvenant à la mer. Comme ces rivières reçoivent l’eau de toutes les pluies des bassins versants en amont, cette eau a ruisselé à travers des champs, souvent à nu l’hiver, et a entrainé avec elle, en même temps que le nitrate, la terre et la matière organique du sol, d’autant plus que les zones humides et les talus supprimés ne jouent plus leur rôle de tampon. Cet apport de matière en suspension a provoqué un voile opaque marron, très visible de la côte au débouché de ces rivières, voile qui a occulté les zones tapissées de ce stock hivernal d’algues, a persisté au printemps et privé de lumières ces ulves.

Pendant plusieurs mois, le stock hivernal d’algues a subi ces assauts répétés des tempêtes et des fortes précipitations, au point de ne laisser que quelques algues survivantes, bien insuffisantes pour réalimenter une prolifération massive.

Alors pourquoi cette forte réduction dans la baie de Lannion et l’abondance dans les baies de Saint-Brieuc et Douarnenez ? Tout simplement, puisque dans ces deux baies, le stock hivernal est beaucoup plus important et qu’il a été, de fait, moins affecté. Ensuite des configurations locales peuvent jouer. Ainsi les moulières de Hillion cassent une grande partie de la houle du large et atténue ses effets sur les algues dérivantes.

Ainsi, l’homme n’y est pour pas grand chose dans cette réduction des marées vertes. Et quand il l’est, c’est bien involontairement. Preuve s’il en est : un taux de nitrate toujours important dans l’eau des rivières. Mais, en l’absence d’ulva armoricana, bien malmenées par les tempêtes hivernales, ce sont d’autres algues moins fragiles qui profitent de ce nutriment. D’où l’abondance d’entéromorphes, algues vertes filandreuses, qui n’ont pas, fort heureusement, le même potentiel de croissance que les ulves et qui se dessèchent plus qu’elles ne pourrissent quand elles s’échouent. Elles ne sont vraisemblablement pas les seules à profiter de ce nitrate agricole dans le milieu marin.

Chaque fois que vous arpentez aujourd’hui la Lieue de Grève, ouvrez grands les yeux ! Respirez et faites le plein d’iode marin ! Ne perdez pas une miette de cet exceptionnel moment de vie. Car demain, hélas ! nous ne sommes assurés de rien… Les marées vertes et leur bouillonnement d’hydrogène sulfuré rôdent. Même si elles ont plus de mal à reconstituer leurs stocks, parce qu’une grande partie du nitrate dans le milieu marin a été consommée par d’autres algues, qui peut croire qu’elles ont dit leur dernier mot ?

Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor le 3 août 2014

Note de la rédaction et pour plus d’information concernant ce sujet :

Algues Vertes. Plan de lutte en baie de Saint-Brieuc : quels résultats ?

Pour aller plus loin :

Notre article




Un mauvais coup porté à la Bretagne.

Désormais, plus aucun citoyen ne pourra à l’issue d’une enquête publique contester des bilans azotés falsifiés, des plans d’épandages fantaisistes, ou autres manquements à la loi sur les installations classées. Plus aucun citoyen sur la base de ces manquements, puisqu’il ne les connaîtra pas, ne pourra ester en justice pour annuler l’autorisation de ces porcheries polluantes.

Par contre, chacun, en sa qualité de contribuable pourra abonder en aides publiques tous les acteurs de la pollution, Chambres d’Agriculture surtout, dans les xèmes plans de reconquête de la qualité de l’eau rendus encore plus inopérants par cette mesure.

Il ne suffisait pas à la profession porcine d’exercer son activité dans le seul pays européen à n’appliquer la Directive Nitrates que sur la base du volontariat suscité par des aides publiques, comme, dernier en date, dans les plans Algues Vertes. Il lui fallait en plus “libérer les énergies” comme le réclament tant les bonnets rouges, y compris et surtout les énergies polluantes. Alors qu’en Europe partout la traçabilité du lisier est la règle, aujourd’hui en France et plus particulièrement en Bretagne, elle sera rendue encore plus opaque, et aggravera inévitablement la pollution des eaux.

Même si cette mesure fait plaisir aux bonnets rouges, elle est un mauvais coup porté à la Bretagne par le gouvernement parisien inféodé aux intérêts de quelques groupes privés bretons. Chaque fois que l’Etat de droit recule, c’est la politique du lisier qui avance, et avec elle la pollution.

C’est pour ces raisons que nos associations condamnent bien sûr cet arrêté. Surtout elles continueront à se battre par tous les moyens à leur disposition pour que toutes les Bretonnes et Bretons puissent vivre et travailler sans polluer en Bretagne.

 




Efficacité des Plans Algues Vertes : un débat de qualité.

D’abord quelle confiance accorder à deux des trois syndicats agricoles et des élus qui peinent encore à reconnaître la toxicité des marées vertes ? D’où, que penser de cet appel au volontariat des acteurs essentiellement agricoles ? Aucune leçon n’est tirée des échecs des nombreux plans précédents, construits sur le même modèle.

Autre caractéristique

C’est l’aide individuelle avec l’argent public, mais une évaluation collective. Comme le dit si bien ce technicien de Saint-Brieuc : “Les engagements individuels pris dans la charte ne feront pas l’objet d’un contrôle en exploitation. Les services de l’Etat vérifieront au global si les objectifs sont atteints”. Ces plans inventent donc une forme d’irresponsabilité juridique, qui est toujours une forme d’impunité…

Pire encore!

L’un d’entre eux, celui de l’Horn-Guilec subventionne des actions, évaluées aussi collectivement pour atteindre en 2015 un taux de 64 mg/l de nitrates dans l’eau des rivières, soit une norme illégale. Plutôt que de faire appliquer la loi, l’Etat subventionne donc des actions illégales…

Enfin, sauf pour la Baie de Locquirec…

ce sont les Chambres d’Agriculture, largement impliquées dans cette pollution de l’eau, juges et parties, qui encaisseront l’essentiel des aides publiques pour les conseils aux exploitants par le biais de leurs techniciens.

Comme chaque intervenant était limité à 30 minutes de parole, cela a largement laissé le temps à la salle de réagir. Les questions ont fusé. Sur la toxicité des marées vertes et le déni de beaucoup encore aujourd’hui. Sur les études qui démontrent toutes la responsabilité du nitrate agricole, études contestées par un “scientifique” qui publie plus dans la presse agricole que dans la presse scientifique. Sur un procédé naturel de dénitrification par le fer. Sur le délai de 2027 pour attendre seulement une réduction de la pollution.

Sur le coût de l’opération de ce plan assumée à hauteur de 1 2980 000 euros seulement par la filière agricole. Sur la perte de sable dans le ramassage des algues, que n’assume pas d’ailleurs le Syndicat Mixte du Trégor. Sur le comportement de citoyen que chacun doit avoir en consommant responsable. Sur les mesures gouvernementales qui favorisent des épandages de lisier encore plus importants et contrecarrent les mesures préconisées dans ce plan. Cette liste des questions n’est pas exhaustive. Chaque intervenant y a répondu en fonction de ses engagements, avec le réel souci de l’écoute de l’autre.

Il en ressort finalement :

deux approches différentes de la résolution de cette pollution. La première incarnée par Guy Pennec et Yann Binaut témoigne d’une confiance renouvelée aux acteurs de la filière agricole à qui il ne faut pas imposer des mesures mais la convaincre de leur bien-fondé. La deuxième, défendue par Yves-Marie Le Lay pose d’abord la priorité à la loi. Que l’Etat fasse appliquer d’abord la directive nitrate, consignée dans le code de l’environnement. Dans d’autres domaines la loi s’applique. Pourquoi pas ici ? Maintenant, rien n’interdit que cette application se fasse en concertation avec le monde agricole. Si on veut atteindre l’optimum environnemental, c’est bien avec lui qu’il faudra assurer l’équilibre de la fertilisation azotée de chaque parcelle, en passant vraisemblablement par des expérimentations.

Si chacun a apprécié la qualité des échanges, en ces périodes de torpeur estivale, ce débat a paru visiblement trop sérieux à Messieurs les Préfets ou leurs représentants, Monsieur le président du Comité de la Lieue de Grève, Monsieur le député de Morlaix, tous invités et tous absents, seul le dernier étant excusé. Visiblement aussi trop sérieux pour la presse papier invitée et dont l’annonce de cette manifestation dans les colonnes de leurs journaux a été très discrète. Comme si la chronique des plages se réduisait plus à celle des chiens écrasés qu’à celle d’un cheval intoxiqué en 2009…

Fort heureusement aujourd’hui internet, réseaux sociaux, journaux numériques répondent de mieux en mieux à cette demande d’information sur des thèmes qui concernent tous les citoyens. Mardi dernier, le public invité par ce biais est ressorti satisfait, avec des éléments pour se forger lui-même son opinion sur le sujet. N’est-ce pas l’essentiel ?