L’Arbre, élément essentiel en Bretagne
(Plume citoyenne) Quelles relations et quels liens avec l’arbre, la forêt et le bois voulons-nous aujourd’hui et demain en tant que société ? Pour creuser ce sujet, Fibois Bretagne avait organisé à Saint-Brieuc le 15 novembre un forum pour l’avenir de la forêt bretonne. Une invitation à questionner notre relation en tant que citoyens-consommateurs-utilisateurs et professionnels.
L’arbre, c’est une question politique, économique, écologique, culturelle, humaine mais avant tout, c’est une question de notre relation avec le vivant. « L’arbre est notre assurance-vie » évoque Carole Le Béchec, élue au Conseil régional de Bretagne, présidente de la commission climat, transitions et biodiversité, en début de cette journée autour de l’arbre, la forêt et du bois. Le Plan arbre de la région prévoit de planter, d’ici 2028, 5 millions d’arbres en Bretagne pour répondre aux enjeux de la biodiversité, de la gestion de l’eau et de la tenue des sols. L’idée, c’est de concilier les usages et de réconcilier la société et la filière, car l’arbre et la forêt touchent aux âmes dans un monde où nous sommes de plus en plus déconnectés du vivant.
Le message des intervenants est clair : Il faut réunir tous les acteurs autour de l’arbre. Le besoin de se reconnecter à la nature est aussi important que la bonne valorisation du bois.
Comment concilier les besoins de notre société en matériaux et en loisirs avec les besoins du vivant autre-que-humain ? De plus en plus de citoyens préfèrent ne plus toucher aux forêts sans connaissances de l’utilité et des options de gestion, mais aussi sans questionner notre demande croissante des produits en bois ou l’effet de notre présence en forêt – la biodiversité souffre de la sur-utilisation des bois dans des zones urbaines. De moins en moins de jeunes ont envie de travailler la terre et la forêt ou de s’investir dans les filières qui en dérivent. Aujourd’hui, 23’000 personnes travaillent dans les filières autour de l’arbre en Bretagne, demain nous aurons besoin de plus. Ces problématiques ne sont pas uniques à la Bretagne – on en discute un peu partout en Europe.
Dans le contexte du réchauffement climatique, l’arbre est vu comme la technologie principale pour décarboner l’environnement bâti ainsi que d’autres secteurs industriels. La demande est en pleine croissance, la disponibilité de la ressource précieuse, limitée. Ici comme ailleurs la notion d’économie circulaire et d’usage en cascade est proéminente dans le discours. Comme chez soi, comme dans l’entreprise…
La forêt bretonne se compose au trois quart de feuillus, mais aujourd’hui la valorisation du bois se focalise sur l’utilisation des résineux. Le réchauffement climatique veut aussi dire se poser la question sur l’arbre de demain et apprendre à valoriser le bois de différentes qualités pour des usages à plus long terme. En Bretagne, on se sent encore à l’abri. Loin sont les images de l’est de la France et de l’Allemagne où les forestiers ont du mal à préserver le hêtre ou bien le chêne, l’arbre qui nous servait de symbole de résilience et de robustesse. Mais le climat change aussi en Bretagne et les hommes et les femmes qui travaillent les forêts en ont bien conscience. On commence à expérimenter à petite échelle avec l’introduction de nouvelles essences qui viennent des climats plus proches de ce qu’on attend ici dans l’avenir.
Ainsi, l’arbre et ses filières sont emblématiques du besoin de travailler vers de nouveaux modèles économiques. La spécificité de la Bretagne pourra devenir un atout dans cette quête, propose le géographe Jean Ollivro : Le mode de fonctionnement breton repose sur l’entraide, la coopération et la mutualisation dans une culture individualiste : l’esprit indépendant, la vie en commun. La capacité de travailler ensemble et le principe fondamental de prendre soin de la terre afin qu’elle nous nourrisse sont au cœur de l’identité bretonne. Depuis la nuit des temps, la forêt en Bretagne a été un élément de ressources et de mythes.
Le peuple breton s’est organisé de manière dispersée car il y avait de l’eau partout. La Bretagne, c’était une terre riche et fertile. L’arbre était un élément important et résilient. Statistiquement, la forêt ne couvre que 16% de surface en Bretagne, mais l’arbre est partout. Jean Ollivro et le forestier Hervé Le Bouler nous invitent à honorer l’originalité du territoire si nous voulons trouver de meilleures valorisations pour l’arbre feuillu qui n’a pas les qualités demandées par l’industrie aujourd’hui. L’arbre est depuis toujours omniprésent et fondamental dans tous les aspects de la vie bretonne, que ça soit dans les forêt ou sur des talus au bord des champs. La notion de « Coat » se trouve partout sur le territoire. Autrefois, c’était une source de nourriture, de bois-énergie et aussi du bois d’œuvre. Nous vivions avec la forêt. Aujourd’hui notre société se retourne contre la gestion et les gestionnaires de la forêt. Aujourd’hui l’arbre devient sacré – une vision idéalisée, selon Jean Ollivro, et qui oublie que nous faisons partie de la nature et avons un rôle à jouer dans son évolution. Notion confirmée par les experts forestiers. Comme l’exprime Laurent Le Mercier : il ne faut pas compartimenter nature et homme, c’est un tout dans lequel le travail du forestier s’inscrit. Est évoquée aussi la tendance de notre société à se pencher sur des dogmes au lieu de penser pour nous-mêmes, ce qui nous empêche d’agir avec responsabilité et nuance.
L’invitation au dialogue en forêt autour de ces questions est proposée par plusieurs intervenants. Hervé Le Bouler souligne l’importance de l’ancrage de l’arbre dans les territoires et évoque l’idée des arbres à palabre – de créer des espaces de rencontre autour de l’arbre comme le fait aussi l’association Clim’Action. Un appel à l’action qui vise autant les forestiers que les élus dans les territoires.