Atlas socioculturels de l’eau : « Faire comprendre que la culture fait aussi partie du dialogue environnemental »
(Rediff) L’association Eau et Rivières de Bretagne, avec la Région Bretagne, l’Assemblée Permanente des Présidents des Commissions Locales de l’Eau en Bretagne, et le soutien de l’Office Français de la Biodiversité, s’est engagée dans une démarche de mise en place d’Atlas Socio-culturels de l’Eau. Après une première expérimentation sur le Belon en 2021-2022, la Région Bretagne a lancé un Appel à Projets. Quatre nouveaux projets sont en place aujourd’hui, sur le Léguer, Le Lapic, La Rade de Lorient-Estuaire du Blavet et du Scorff, et dans les Marais de Vilaine. Explications avec Aurélie Besenval, chargée de mission « Eau et Culture » chez Eau et Rivières de Bretagne.
D’où est venue l’idée de mise en place de ces Atlas ?
Tout est parti d’une réflexion d’Eau et Rivières de Bretagne, suite à la célébration des 50 ans de l’association en 2019. Lors de cet événement, deux éléments ont émergé : Premièrement, malgré 50 ans d’actions, les rivières bretonnes ne sont malheureusement toujours pas en bon état, il faut donc trouver de nouveaux leviers d’actions. Deuxièmement, on constate une forme de « technicisation » de l’association, qui était à l’origine un regroupement de pêcheurs, d’habitant.e.s, créé dans les années 70, à l’époque de combats culturels et environnementaux importants, et dans une dynamique autour de l’approche culturelle des territoires. L’association a grandi, s’est spécialisée : est ce qu’on assiste pas à une perte du lien sensible avec le territoire ? Comment retravailler ce lien, qui a été le premier vecteur de mobilisation dans l’association ?
De plus, lors des 50 ans de l’association, deux représentants néo-zélandais sont venus parler de leur bataille pour la reconnaissance juridique de leur fleuve sacré, le Whanganui.
Tout ceci a mené à la volonté de se ressaisir du lien à la rivière, de développer une approche sensible, et à l’idée de la mise en place d’Atlas socio-culturels des rivières, dans lesquels on pourrait interroger l’attachement multiple des habitant.e.s à celles-ci.
Un lien s’est alors créé avec la Région Bretagne, et une première démarche a été lancée à titre expérimental sur le Belon, dans le Finistère, sur le territoire de Quimperlé Communauté, entre 2021 et 2022.
Fresque de l’Atlas de la Rade de Lorient par Kizzy Sokombe -DR
Comment se déroule un Atlas Socio-Culturel ? Quelle est la démarche ?
Il y a deux dynamiques dans la démarche:
- La collecte des attachements à la rivière et de ses usages, via des échanges et des entretiens, des « causeries » où l’on pose les questions suivantes : Quelle est votre relation au cours d’eau ? A quelle fréquence y allez-vous? Que faites-vous en lien avec la rivière ? Petit à petit, ce travail sert aussi à comprendre pourquoi certain.e.s ne sont finalement pas lié.e.s à celle-ci. Souvent, ce sont des questions d’accessibilité et de temps.
- Les « Traversées » : ce sont des « balades » dans, sur, et autour de la rivière. C’est l’occasion aussi de faire venir des habitant.e.s qui n’ont pas ou plus de liens avec elle, pour un temps de découverte. On le construit avec les personnes qui ont participé aux causeries. Cela permet aussi de travailler autour du patrimoine lié à l’eau, naturel et culturel, comme les lavoirs ou les fontaines par exemple.
L’idée, à terme, avec les Atlas, c’est de recréer une communauté d’acteurs et d’actrices plus mobilisé.e.s, plus concerné.e.s. Partir d’une balade et devenir par la suite membre d’une Commission Locale de l’Eau par exemple. Partir d’une action plus sensible pour aboutir à une action plus politique et/ou technique.
Traversée réalisée pour l’Atlas des Marais de Vilaine et animée par Ter Lieux – DR
Où en est-on dans le déploiement de ces Atlas en Bretagne ?
Dans la région, il y a des démarches d’Atlas socio-culturels sur le Lapic (29), la rade de Lorient/Scorff (56), le Léguer (22), et les Marais de Vilaine (35), ainsi que sur le Belon (29). Chaque territoire est différent, a ses propres enjeux et histoires. Les manières de faire s’inventent. Il faut être flexible, agile et adaptable. Par exemple sur le Léguer, l’Atlas s’articule avec le label « Sites Rivières Sauvages » et le programme d’actions Bassin Versant Vallée du Léguer. L’Atlas vient dynamiser les démarches existantes.
Les Atlas Socio-Culturels, ce sont des points de départ lancés par Eau et Rivières de Bretagne. L’idée, c’est qu’ils ne se terminent pas, c’est que la démarche continue. Nous, on accompagne, on coordonne la dynamique régionale, on met en avant des problématiques. Par exemple, l’Atlas du Belon n’est pas arrêté, il y a maintenant un projet de Centre d’Interprétation, en lien avec la labellisation Pays d’Art et d’Histoire du territoire.
Au sein d’Eau et Rivières, ce qu’on veut faire, c’est coordonner une dynamique, un réseau. On veut faire comprendre que la culture fait aussi partie du dialogue environnemental. Si notre rapport à la nature et à l’eau ne change pas, on aura beau promulguer encore et encore des lois, la situation mettra du temps à évoluer. Alors que si on travaille la question de nos relations et de la manière dont on habite les écosystèmes, on gagnera du temps. C’est tout le sens du travail que l’on mène en s’appuyant sur les Atlas, et sur la commission « culture » qui a été créée au sein de l’association.
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