A Océanopolis, le public donne son avis sur la protection de la haute mer

A Océanopolis, le public donne son avis sur la protection de la haute mer
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Jeudi, en parallèle du One Ocean Summit et de ses négociations qui se déroulaient aux Capucins à Brest, une conférence participative était organisée à Océanopolis à destination du grand public. L’occasion pour les participant.e.s de mieux comprendre les enjeux liés à la haute mer, et aussi de donner leur avis. La protection de la biodiversité et les dangers de l’exploitation des ressources, notamment minérales, ont fait partie des principales préoccupations du public.

« La gouvernance de la haute mer et la protection de la biodiversité : rendez-vous à New York ! ». C’est le nom de la grande conférence ouverte au public et proposée par Océanopolis dans le cadre du One Ocean Summit, qui s’est tenu à Brest la semaine dernière. Pour rappel, ce sommet mondial consacré à l’océan se déroulait aux Ateliers des Capucins, et a réuni des chefs d’état, des spécialistes, des collectivités locales, des ONG, des financiers…le tout sous bonne garde. Pour le grand public, direction Océanopolis, où des mini-conférences, jeux, rencontres avec des experts, stands…étaient au programme.

C’est donc jeudi 10 février, veille de clôture du One Ocean Summit, que la grande conférence participative avait lieu, dans l’auditorium. A 18h30, plus de 300 personnes, dont de nombreux et nombreuses étudiant.e.s, avaient déjà pris place sur les strapontins. A l’entrée, chacune et chacun avait reçu une carte contenant un QR Code, qui, scanné avec un smartphone, permettait de prendre part à des votes. Car ce grand temps d’échanges s’est voulu interactif : le public sera amené à voter pour trois questions. Pour chaque question, un.e spécialiste viendra d’abord expliquer les différents enjeux, puis deux autre experts viendront présenter leurs points de vue, l’un.e pour, l’autre contre. De quoi alimenter les débats et permettre aux personnes présentes de se forger une opinion en ayant connaissances de tenants et aboutissants de chaque problématique.

Pour l’heure, on démarre avec une mise en lumière des particularités de ce qu’on appelle « la haute mer , et qui n’est pas forcément aisée à définir. « Pour l’Onu, la haute mer se trouve à 380 km des côtes », nous explique Nadège Leroux, doctorante à l’Université de Montpellier. « Pour les océanographes, la frontière avec les espaces océaniques n’est pas tant cette limite juridique mais plutôt celle géophysique des plateaux continentaux ». C’est une frontière, un espace qui nous sépare, mais aussi quelque chose qui nous dit. « La conférence de ce soir s’intéresse à ce qu’on appelle des fronts, des zones de transformation. Les fronts hauturiers sont multiples, et ceux dont il sera question ce soir sont à l’interface d’enjeux d’exploration, d’exploitation, de conservation », poursuit la chercheuse. Et justement, le premier débat présenté au public évoquera le thème de l’exploitation, et plus précisément les ressources minérales des grands fonds.

C’est Jozée Sarrazin, chercheuse en écologie au laboratoire Environnement Profond à l’Ifremer qui vient présenter la problématique. « Depuis le début de l’ère industrielle, nos besoins en ressources minérales n’ont fait qu’augmenter. Ils ont littéralement explosé ces cinquante dernières années avec le développement des nouvelles technologies », explique-t-elle. Les ressources terrestres étant désormais en déclin et leur coût d’exploitation devenant important, des explorations sous-marines ont été faites et montrent que certaines ressources minérales sont présentes de façon abondante dans les grands fonds. Pour 2023, un nouveau code minier sur le sujet sera rédigé.

La question posée pour le débat est la suivante : « Etes-vous favorable à l’exploitation des ressources minérales des grands fonds ? Si oui, selon quelle modalité ? ». Après avoir écouté les arguments pour (répondre aux besoins d’un futur décarboné et assurer la transition écologique, abondance des ressources, besoin d’indépendance et processus de décision participatif) et contre (autres solutions disponibles comme le recyclage par exemple, mise en péril de la biodiversité…), le public a pu répondre à la question grâce à son smartphone. Il en ressort que 62% des votants sont pour l’interdiction totale de l’exploitation !

C’est au tour de Gilles Boeuf, spécialiste international de la biodiversité, d’évoquer le sujet des ressources génétiques marines. En effet, certaines espèces marines ont des caractéristiques et du matériel génétique qui peuvent s’avérer utiles et intéressants pour les secteurs de la biotechnologie, de l’industrie pharmaceutique, de la cosmétique ou des biocarburants. Certains pays défendent un accès libre à celles-ci, alors que pour d’autres c’est un bien commun qui doit être partagé. « Pour l’instant, elles sont en libre accès », rappelle Gilles Boeuf. Deux questions sont posées au public : « Faut-il réglementer l’accès aux ressources génétiques marines de la haute mer, et si oui, que faut-il réglementer ? » et « Faut-il partager les retombées économiques des ressources génétiques marines de la haute mer, et comment ? ». Les participant.e.s se sont prononcé.e.s pour la réglementation pour toutes les activités de recherche et de développement, et pour le partage des retombées économiques dans un fonds mondial de la conservation de la biodiversité marine.

Troisième débat, et non des moindres : la conservation et l’exploitation appliquée à la pêche. C’est à François Simard, consultant spécialisé sur le sujet, que revient la tâche de dresser un panorama de la situation, et d’évoquer la place des pêcheries dans un nouvel instrument juridique international. Le sujet est ici assez technique pour les néophytes. Néanmoins, à la question « Comment réconcilier les enjeux de conservation et de pêcherie en haute mer ? », le public a répondu en majorité pour la création d’organisations régionales de gestion de l’océan pour les activités humaines et la biodiversité.

On le voit, les citoyen..ne.s, via l’échantillon présent à la conférence jeudi soir, semblent particulièrement préoccupé.e.s par l’exploitation des ressources en haute mer, notamment les ressources minérales. Or ce point n’a pas été vraiment abordé lors du One Ocean Summit, où des engagements ont été pris concernant la pollution plastique, la création de davantage d’aires marines protégées ou encore la lutte contre la pêche illicite ou la cartographie des fonds marins. Un traité (le BBNJ) de protection de la haute mer est en discussion depuis 2018 au sein de l’Onu. Des discussions interrompues à cause de la pandémie, mais qui doivent reprendre en mars à New-York. Affaire à suivre, pour voir si les préoccupations de la société civile seront davantage prises en compte…

 


 

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Marie-Emmanuelle Grignon