Bord à Bord, des algues bio dans l’assiette

Bord à Bord, des algues bio dans l’assiette
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Bord à bord propose depuis 1996 des algues alimentaires pour les professionnels de la restauration comme pour les particuliers. Au cours des années ils ont élaboré quelques recettes signature. Henri Courtois, gérant de la société, travaillait dans la finance avant d’opérer un virage radical et de monter à Paris proposer aux chefs de la capitale ses produits, des algues déshydratées ou fraîches. En quelques années son activité s’est bien développée : deux sites de production travaillent les algues cueillies par 10 à 12 pêcheurs locaux, qui fournissent un total d’environ 200 tonnes d’algues fraîche par an. Entre modernisme culinaire, valeurs de développement durable et activité traditionnelle, Henri Courtois nous raconte son aventure.

De la santé à la gastronomie

Henri Courtois se souvient des tout débuts, quand il a commencé son activité : « les algues étaient perçues comme un médicament, mais pas comme un aliment ; maintenant on aurait plutôt tendance à dire que ça doit être ‘deux fois bon’ : au goût, et pour la santé », dit-il.

A Paris, il a commencé par demander à des chefs d’expérimenter avec ses produits, et a travaillé avec des passionnés à la recherche de nouvelles recettes. Il se souvient notamment de l’atelier « la place de l’algue dans la cuisine » organisé avec l’association « le botaniste gourmand », durant lequel sont intervenus des chefs comme Hisayuki Takeuchi (pionnier de la cuisine japonaise en France).

Ils proposent des algues vertes (laitue de mer), rouges (dulce, nori), et brunes (wakame, spaghetti de mer, konbu royal).

 

Des pratiques durables et un label bio

Bord à Bord s’applique à user de pratiques durables : les ressources sont préservées en évitant la surpêche et en observant des méthodes de cueillette respectueuses. Les pêcheurs à qui l’entreprise fait appel sont des passionnés qui travaillent à pieds ; ils viennent échouer un bateau à fond plat sur le banc d’algues, effectuent la cueillette pendant la marée basse, puis repartant à la marée haute. Tout s’effectue à la main, sans équipement mécanique. « Il y a un débat au sein de la profession en ce qui concerne les méthodes de cueillette », détaille Henri Courtois, passionné par son sujet ; « la méthode recommandée officiellement est de couper, ce qui n’est pas la meilleure solution pour toutes les variétés ; le kombu royal, par exemple, doit être déraciné pour que les jeunes pousses qui se développent sous les adultes puissent grandir à leur tour. Nos pêcheurs sont très sensibles à la protection des ressources et adaptent leurs méthodes suivant chaque espèce. » Le rendement est très différent suivant les variétés d’algue : une bonne cueillette de nori représente environ 80kg par marée, tandis le spaghetti de mer est plus proche des 400kg par marée. « Tout cela à dos d’homme. C’est un sacré travail ! » ajoute-t-il. Les algues cueillies pour un usage industriel (notamment pour la production de gélifiants) le sont avec moins d’égards, notamment à l’aide de « scoubidous » ou de « peignes norvégiens », qui arrachent de grands paquets de flore sans distinction de contenu ou raclent le sol comme des chaluts. Evidemment la qualité de la cueillette s’en ressent, sans parler de l’impact sur les ressources ; à Bord à Bord, la cueillette respectueuse fournit une matière première de beaucoup plus grande qualité qui permet un usage gastronomique.

Pour rassurer les consommateurs et les convaincre d’essayer ces produits encore un peu nouveaux dans la gastronomie française, les produits Bord à Bord sont garantis par le label bio, ce qui n’est pas chose aisée pour des algues alimentaires. Trois critères sont pris en compte dans le cahier des charges :

  • L’eau de la zone de pêche doit être de grade HQE (bon état écologique et chimique) d’après les analyses de l’Agence de l’Eau, qui la note selon les critères de la Directive Cadre sur l’Eau initiée par l’Union Européenne ;
  • La zone de pêche doit être classée en zone conchylicole (ce qui signifie que la zone est considérée suffisamment propre pour abriter un élevage de coquillages) ; Bord à Bord a réussi à obtenir le classement de six zones, qui sont donc l’endroit où leurs pêcheurs cueillent les algues
  • Les pratiques d’exploitation doivent être durables : pas de surpêche, et les méthodes de cueillette doivent être respectueuses.

 

Une activité aux premières loges du changement climatique

« Les algues sont un élément fondamental de l’écosystème marin », explique Henri Courtois ; elles se développent grâce à l’azote produit notamment par les coquillages, et sont mangées par les poissons, dont les déjections nourrissent les coquillages. Nous voyons bien que le changement climatique modifie cette flore, il influence la saison de la cueillette. Elle commence plus tôt et est plus courte qu’autrefois car l’eau est plus chaude, et si les courants devaient changer brusquement, cela aurait un impact radical sur notre activité. » Nous posons la question des algues vertes, aussi appelées laitue de mer : comme c’est une variété comestible bien connue, et qu’il y en a une telle profusion, afin de lutter contre leur prolifération ne pourrait-on pas tout simplement les manger? « Ce n’est pas si simple », répond Henri Courtois. « Les algues vertes naissent souvent dans des endroits qui concentrent températures chaudes et fortes teneurs en nitrates ; ce ne sont pas des sites jugés sûrs pour la récolte d’algues alimentaires. On peut transformer les algues échouées pour l’alimentation de bêtes d’élevage comme des poulets ; l’entreprise Agrival, par exemple, développe cette activité. Mais ce ne serait pas légal de les utiliser pour l’alimentation humaine. Nous nous retrouvons ainsi face à un curieux paradoxe, où nous avons d’un côté une surabondance de laitue de mer, et de l’autre de telles difficultés à nous approvisionner de façon correcte que nous sommes obligés de nous tourner vers l’aquaculture » déplore-t-il. « Je pense qu’il serait bien d’avoir un peu plus d’aquaculture en Bretagne ; nous préférerions largement traiter avec des aquaculteurs locaux si nous en avions la possibilité. Cependant le littoral breton est protégé et il est très compliqué à l’heure actuelle d’installer des exploitations sur nos côtes, ce qui se comprend aussi d’un point de vue touristique. Nous nous approvisionnons donc auprès d’aquaculteurs portugais, car la luminosité est très bonne là-bas et ils ont d’excellents produits. », conclut-t-il.

 

Une opération simple mais efficace

Le traitement des algues fraîches se passe de la façon suivante :

  • Elles sont réceptionnées au site de Roscoff, pesées, puis envoyées sans plus attendre en salle de stockage ou en salle de nettoyage suivant les besoins

  • Elles sont lavées à gros bouillons dans de l’eau de mer froide. « il est important d’utiliser de l’eau de mer pour préserver leur niveau osmotique », explique Henri Courtois. En clair : si on les lave dans de l’eau douce, la différence de densité d’eau fait exploser leurs cellules. Un peu comme les tentacules de méduse récoltés par les malchanceux à la plage, s’ils s’aventurent à les rincer à l’eau douce.

Les algues sont cueillies durant la meilleure saison, puis elles sont conservées au frais, dans le sel et à l’abri de la lumière. Cela a le double avantage d’assurer des stocks pour une production constante et d’affiner l’algue, rendant le produit final plus délicieux encore. Seul du sel de Camargue labellisé bio est utilisé pour le salage.

  • Elles sont triées manuellement pour les débarrasser de tous les corps étrangers comme les coquillages
  • Elles sont essorées, chargées dans un camion et livrées au site de production de Taulé.

 

La production alimentaire

C’est sur le site de Taulé que les délicieuses compositions de Bord à Bord sont produites.
Les algues lavées et dessalées sont amenées dans la pièce de production, un univers contrôlé où les opérateurs portent blouse, bottes de plastique, gants et charlotte.

Nous nous arrêtons devant le hachoir, qui sert à fabriquer le tartare d’algues.

La mixture est appelée la mêlée, il en est fabriqué dix par jour, les ingrédients principaux outre les algues étant des câpres et de l’huile d’olive.

Nous visitons le reste de l’usine et avons le droit à une dégustation. Nos préférés : le tartare de nori au vinaigre de vin rouge et échalottes, et le chutney dulse et framboise !


Dans le prolongement des valeurs durables de l’entreprise, le maximum de déchets est recyclé (conserves, barquettes, palettes, verre et casses de bois).

L’algue paraît une ressource prometteuse dans la recherche vitale de nouveaux aliments : nous en disposons en grandes quantités, elle est bonne pour la santé – et elle est délicieuse !

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Bérénice La Selve