(Plume citoyenne) Intégrer des pratiques de jardinage respectueuses de la santé et de l’environnement tout en protégeant la biodiversité en milieu urbain, c’est le projet de « 100 jardins naturels à Nantes ». Depuis 2008, l’association Écopôle CPIE Pays de Nantes accompagne les jardiniers amateurs de la métropole nantaise qui souhaitent participer à cette démarche. Rencontre avec deux de ces jardiniers qui ont choisi de ne plus utiliser de produits chimiques et de travailler avec la nature pour favoriser la vie sous toutes ses formes.
« Il n’y avait rien au début sur la parcelle. J’ai tout fait à la grelinette. Il n’y avait aucune vie dans le sol, pas de vers de terre… La première année, rien ne poussait. La terre était beaucoup trop compact. C’était devenu un support qui ne servait à rien. La deuxième année, c’était un peu mieux. Les voisins, ça les confortaient dans leurs pratiques [conventionnelles], en voyant qu’avec les méthodes naturelles ça ne poussait pas au début. À partir de la troisième année, ça a commencé à être bien. » Marion, 28 ans, occupe une parcelle dans le parc potager du Croissant, à l’est de Nantes, depuis 2013. Après cinq ans sur liste d’attente, elle a finalement pu réaliser son rêve d’avoir son propre jardin. Pour elle, dès le début, hors de question d’utiliser des produits chimiques. « Si je faisais mes légumes, ce n’était pas pour manger la même chose qu’au supermarché. » Avec patience, elle met en forme sa parcelle, apprend et apprivoise les éléments nécessaires à une culture respectueuse de sa terre. « En hiver, je laisse un paillage de feuille morte », technique qui protège le sol du froid et de l’humidité, empêche la prolifération des mauvaises herbes et améliore la qualité du sol en se décomposant. « L’association du parc potager fait une commande de paille pour tous les adhérents et j’ai du fumier par un particulier. Un animateur de Bretagne Vivante, une association qui a un jardin pédagogique à côté, m’a aussi donné des conseils pour faire des allées enherbées et une marre. J’ai des grenouilles ! »
La biodiversité, un bienfait pour le potager
L’ensemble développe un écosystème riche et crée des lieux d’habitation pour tous ces petits animaux et autres insectes alliés du potager. « J’ai fait un nichoir, il y a des mésanges et d’autres oiseaux ici. » Marion a également son hôtel à insecte et pense à fabriquer un nichoir à chauve souris et une ruche camouflée dans un arbre. La jardinière a été confronté aux pucerons qui se sont attaqués à ses plantes. Là encore, l’usage de produits chimiques est banni. C’est un autre insecte auxiliaire qu’elle espère attirer dans son jardin pour les combattre, la coccinelle. « Quand on fait le jardin au naturel, il faut accepter de perdre certaines choses. Les voisins me le reprochent parfois. » C’est un autre rapport à la nature qui s’installe entre attention et équilibre. Ce qu’elle peut perdre au commencement, elle le gagne dans le temps. « Je laisse les pieds de fèves pour le moment car il y a des larves de coccinelle dessus. Je pourrais gagner de la place en les enlevant, mais j’attends qu’elles deviennent des coccinelles. »
Le jardin de Marion peut laisser une impression de « bazar » pour ceux qui ne connaissent pas encore son organisation naturelle et ses bienfaits. Mais c’est surtout l’abondance de vie qui explose quand on arrive devant son portillon. Aujourd’hui, la jeune femme qui est également dans une démarche d’autonomie alimentaire cultive une dizaine de variété de légumes ainsi que des fruits et des aromates. « Certains mois, je n’ai plus à acheter d’autres légumes. Ce n’est pas encore assez varié, le sol n’est pas encore assez nourri. » Ce sur quoi elle compte bien encore travailler.
« Même sur quelques mètres carrés de terrain, beaucoup de choses sont à préserver »
« Je n’ai pas de potager à la maison, car il n’y a pas assez de soleil. Donc, j’ai transformé mon jardin pour qu’il soit le plus accueillant possible pour la petite faune. En matière de plantes, je m’oriente plus sur la diversité que sur « la qualité » ou « l’excellence ». » Installé dans sa maison depuis trente ans à Saint Sébastien sur Loire, au sud de Nantes, Dominique prend soin d’un oasis de biodiversité. S’il a utilisé les premières années quelques produits chimiques, il les a abandonné depuis. « On peut regretter d’avoir fait certaines choses, mais un jardin se fait sur 25-30 ans. » Durant ce temps, le jardinier a pris le temps d’observer attentivement les relations entre les plantes au sein de leur environnement. Sa pratique tend à limiter l’intervention humaine au maximum en accompagnant les plantes qui s’installent et de laisser faire la nature. « J’attends parfois de voir sur un an ce que sont les plantes qui poussent pour être sûr de ne pas enlever n’importe quoi. Je ne sais pas toujours au début ce que c’est. Le jardin paraît fouillis, mais cela demande de l’organisation, car il faut voir si une plante ne prend pas le dessus sur les autres et faire en sorte que les plantes ne se marchent pas les unes sur les autres suivant le terrain. J’aménage un peu le terrain pour que les plantes se développent. »
Certaines plantes, arbres ou arbustes arrivent dans son jardin par la dispersion des graines par le vent. « Ici, les arbres se sont naturellement le frêne et le chêne ». D’autres proviennent de récolte qu’il fait lui-même en choisissant les plantes qui correspondent au sol et au climat de son jardin. « Lors d’une ballade près du canal de Landerneau, j’ai récupéré des graines de l’eupatoire chanvrine qui vont bien sur un terrain humide. » Le jardinier fait attention aux plantes qui se ressèment toutes seules comme la lavande vrai ou le géranium Herbe à Robert. Il sait que le coquelicot ne prendra pas sur son terrain, mais bien d’autres plantes y trouveront un lieu propice pour grandir et attireront des insectes en tout genre. Et à l’aide de petits aménagements autour d’un tas de pierre ou de bois, ou au bord de sa marre, Dominique recrée de mini-écosystèmes où la petite faune peut se développer. « Un jardin, c’est de la patience. Si on pose un nichoir, les oiseaux ne viendront pas s’y poser tout de suite. Il faut réfléchir à son orientation et prendre le temps avant d’agir. »
Les oiseaux nichent dans les haies de thuyas, une portée d’écureuil joue dans le jardin. « Lors d’un moment de sécheresse, une grenouille s’était réfugiée dans ma marre. » Dominique offre avec son jardin une enclave naturelle en milieu urbain. Mais sa réflexion va au-delà. Il se préoccupe de la communication avec les terrains voisins. « Je me bats pour garder les arbres et les haies dans le lotissement. Nous avons un espace boisé commun à l’arrière de nos maisons de plusieurs hectares qui ramène notamment des batraciens et des hérissons. Tout cela participe de la biodiversité. Les gens ne se rendent pas compte que même sur quelques mètres carrés de terrain, même si ce n’est pas spectaculaire, beaucoup de choses sont à préserver. »
Pour en savoir plus sur le projet « 100 jardins naturels » et Écopôle :